Dominique Blain

Marie-Ève Charron
galerie antoine ertaskiran, Volta, New York
du 7 au 10 mars 2013
Dominique Blainvue d'installation, galerie antoine ertaskiran, Volta, New York, 2013.
Photo : permission de la galerie antoine ertaskiran, Montréal
galerie antoine ertaskiran, Volta, New York
du 7 au 10 mars 2013
[In French]

Pour sa première participation à la foire Volta, la jeune galerie antoine ertaskiran y est allée d’un choix audacieux en présentant chez nos voisins du sud le travail percutant de Dominique Blain. Loin des propositions racoleuses souvent retrouvées dans ce type d’événement marchand, le travail de Blain engageait un propos politique bien ciblé qui parvenait plutôt à faire s’interroger les visiteurs sur leur implication personnelle et collective (comme membres d’une nation, d’une société) dans certains conflits et situations iniques prévalant à travers le monde.

Le doigté de Blain, depuis plusieurs années, consiste précisément à rapprocher des réalités disjointes, de sorte à révéler des relations autrement invisibles que leurs dehors embellis cachent souvent dans l’intérêt de préserver des rapports de force et des positions d’autorité. Dénuée d’approche moraliste, mais soulevée par l’indignation, l’artiste démasque la duplicité des uns et l’indifférence des autres. Au centre du kiosque, le Tapis (2001-2012) procède à une telle opération ; ses atours se composent en fait d’une myriade de motifs différents de mines anti-personnel et sa représentation intégrée par photomontage dans une image du bureau ovale à l’ère d’Obama a quant à elle de quoi troubler. Présentée pour la première fois au Musée d’art contemporain de Montréal en 2004, l’œuvre resurgit dans une installation qui en actualise la pertinence, car le fléau des mines antipersonnel persiste. Comme le rappelle une pétition adressée au Président, lancée durant la foire et toujours en cours, les États-Unis n’ont en effet pas encore adhéré à la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel.

Il faut croire que seule la foire de Volta, qui présente exclusivement des solos, pouvait convenir au travail de Blain qui privilégie les assemblages et les installations. Ainsi, l’artiste poursuit son exploration de la thématique militaire dans la série Mine Games (2000-2013) qui se décline comme des tableaux arborant des images kitsch retrouvées sur certains calendriers. Or, les paysages bucoliques, de provenances diverses, sont en fait truffés d’intrus camouflés dont les contours prennent la forme de mines. Aux premières victimes de conflits armés que sont les femmes – tuées, violées, blessées et délaissées –, Blain redonne aussi une visibilité. Par photomontage, elle a intégré une Afghane géante dans la paroi rocheuse où se trouvaient les bouddhas de Bâmiyân. Saccagés par les talibans, seuls ces monuments ont retenu l’attention des médias. Les bouddhas inquisiteurs de la vidéo Bouddha from the Kabul Museum (2001-2013) redisent finalement combien le spectateur est situé par l’image, laquelle construit en retour une certaine perception de la réalité que le travail de Dominique Blain s’efforce toujours d’interroger avec une acuité que le contexte de la foire n’a heureusement pas altérée.

Dominique Blain, Marie-Ève Charron
This article also appears in the issue 78 - Hybrid Dance
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