Claire Tabouret: I am spacious, singing flesh
du 23 avril au 27 novembre 2022

du 23 avril au 27 novembre 2022
[In French] Les explorations de Claire Tabouret sur les subjectivités et les étapes ponctuant le cheminement identitaire féminin sont rendues visibles au Palazzo Cavanis, dans le quartier Dorsoduro. Figurant parmi les évènements collatéraux de la 59e Biennale de Venise, l’exposition rétrospective de l’artiste multidisciplinaire regroupe, dans une facture minimaliste, 25 œuvres de la dernière décennie qui rendent compte d’une réflexion sur le tiraillement des femmes entre leur identité propre et collective.
Dans des peintures, des sculptures et un film, tous répartis dans différentes salles donnant sur le canal de la Giudecca, Tabouret capte les étapes de transformation de l’identité féminine, dont l’adolescence. Les portraits The Spell (2018), réalisé d’après une photographie de la jeune gymnaste Nadia Comaneci, et Makeup (Shadow) (2018) représentent l’anxiété qui se cache derrière cette période charnière où les jeunes filles tentent d’exprimer leur besoin d’exister puissamment à travers les artifices du maquillage et un touchant regard frontal.

The Spell, 2018.
Photo : Marten Elder, permission de l’artiste

Makeup (Shadow), 2018.
Photo : Martin Argyroglo, permission de l’artiste
Parallèlement, dans le jardin intérieur du bâtiment, se trouvent deux sculptures de baigneuses faisant office de fontaines. Les deux compositions regroupent des adolescentes dont la posture et l’expression faciale traduisent un ennui et un profond malêtre à vivre dans un monde où l’on ne les considère que très peu. L’artiste semble également fascinée par différentes formes de rituels identitaires. La commissaire Kathryn Weir engage ainsi un dialogue entre les œuvres de Tabouret et d’autres pièces provenant des collections d’art ancien de divers musées italiens. Parmi elles, deux exvotos sculptés dans la pierre volcanique entre 500 et 200 avant notre ère. Ils constituent des objets de culte consacrés à la maternité et à la fertilité auxquels on attribuait autrefois un pouvoir magique. Leur composition robuste et leur position auguste jouent d’un contraste frappant avec la fragilité de la quête identitaire des diverses portraiturées qui les entourent. La mise en relation anachronique entre les différents langages visuels comporte une richesse réflexive indéniable, ne serait-ce que sur la représentation des femmes au cours de l’histoire de l’art.

Claire Tabouret: I am spacious, singing flesh, vue d’exposition, Palazzo Cavanis, Venise, 2022.
Photo : Ugo Carmeni, permission de l’artiste et de Almine Rech
L’identité mise à l’épreuve du groupe figure également parmi les thèmes de prédilection de l’artiste, qui s’intéresse aux rituels qu’implique le fait de « faire partie » d’une équipe, sportive, scolaire ou autre. De jeunes femmes tiennent ainsi une pose de groupe dans Les blouses bleues (2014) et Sitting (2016). Le rendu des œuvres témoigne d’une oscillation entre le renforcement subjectif que procure l’appartenance à un groupe et la dissolution des individualités dans un ensemble en apparence soudé. C’est également le cas pour l’œuvre The Team (2016), malgré la présence d’une diversité culturelle, par l’homogénéité de sa mise en scène photographique. L’œuvre La pieuvre (2015) constitue par ailleurs un bel hommage aux propos de l’autrice Hélène Cixous dans Le rire de la Méduse (1975) en créant un parallèle entre « la femme » et cet être hybride mystérieux dont la métamorphose en dehors des catégories binaires du genre assure la survie. L’exposition de Tabouret propose ainsi une actualisation des représentations des subjectivités féminines axée sur leur ambivalence et la traduction plastique de sensibilités plurielles.

Les blouses bleues, 2014.
Photo : Jeff McLane, permission de l’artiste

La Pieuvre, 2015.
Photo : Martin Argyroglo, permission de l’artiste

Claire Tabouret: I am spacious, singing flesh, vue d’exposition, Palazzo Cavanis, Venise, 2022.
Photo : Ugo Carmeni, permission de l’artiste et de Almine Rech