DÉMARCHES : Exposant deux

Andréanne Roy
Expression, Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe,
du 8 février au 20 avril 2014
Vue d’exposition, DÉMARCHES2 : Exposant deux, Expression, Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe, 2014.
photo : Daniel Roussel
[In French]
La collection de Bernard Landriault et Michel Paradis – « œuvre » évolutive qui, depuis plus de 25 ans, s’enrichit du fruit d’une passion commune – se dévoile au regard public dans l’exposition DÉMARCHES2: Exposant deux. C’est l’occasion de découvrir une quarantaine de pièces issues de cette collection d’art actuel essentiellement composée d’œuvres d’artistes québécois de toutes générations, tous médiums confondus.

Ce geste de partage résulte d’une collaboration avec Johanne Lamoureux, qui a eu carte blanche pour établir la sélection des œuvres et veiller à leur mise en exposition. La démarche de la commissaire s’affirme ici sobrement et entre en dialogue avec celle du duo d’« amateurs éclairés » comme avec celles des artistes. Inspirées du répertoire que Richard Serra proposa en 1967-1968 pour décrire le processus créatif de transformation de la matière, les œuvres sont réunies sous l’égide de verbes d’action. Une stratégie qui met à l’avant-plan l’attention au processus qui oriente en partie les choix de Landriault et Paradis : « Ils collectionnent des démarches processuelles qui s’incarnent dans certains objets où elles ne peuvent plus être lues comme telles », nous dit la commissaire, attentive aux récits que les deux connaisseurs formulent à propos de leurs œuvres et de leur collection. Si les catégories proposées semblent de prime abord convenues, les verbes à l’infinitif – relier, encoder, « fictionner », dériver, machiner, transgresser, collectionner –, qui se voient déclinés sous des acceptions polysémiques, leur permettent de générer des réseaux de liens multiples.

Dans un espace aménagé à même le parcours muséographique, le « studiolo » se présente comme un dispositif mettant en scène l’approche du collectionneur privé. À l’instar de ces cabinets de travail de la Renaissance italienne, les murs sont ici richement décorés. Un regroupement d’œuvres hétérogènes et densément rassemblées rappelle la liberté de choix qui peut présider à l’accrochage en contexte domestique. Cette intimité simulée permet également de dépeindre certaines tâches auxquelles s’affaire tout collectionneur pleinement investi. Au sein de cette reconstitution, une bibliothèque témoigne de l’importante recherche qui est souvent effectuée en amont de l’acquisition ; un bureau, où le visiteur peut consulter la base de données de la collection Landriault-Paradis, met en lumière le travail d’organisation qu’implique la gestion de toute collection. Mais plus encore, cet inventaire invite à contextualiser les œuvres exposées dans un ensemble plus complet… ainsi qu’à céder à une curiosité certaine.

Cette proposition expographique, de la part d’une commissaire qui mène avant tout une carrière universitaire dont les recherches portent notamment sur la réinvention événementielle des collections muséales, évite les pièges de la psychologie du collectionneur et de la personnalisation de la collection, au bénéfice de la présentation d’une sélection d’œuvres de qualité muséale. Le dévoilement de la collection privée s’avère ici un heureux prétexte.

Andréanne Roy
This article also appears in the issue 81 - Being Thirty
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