Veronique-Beland_AsWeAreBlind
Véronique Béland As We Are Blind, vue d'installation, Museu da Cidade, Aveiro, 2019.
Photo : Joana Magalhães, permission de l'artiste

Occulte indécidable et correspondances en art actuel

Fanny Curtat
Ornithomancie chez Laurent Grasso, formules magiques chez Cullen Miller et Gabriel Dunne, spiritisme chez Cécile Babiole, hypnose chez Matt Mullican, radiesthésie chez Yen‑Chao Lin, sorcellerie chez Virginia Lupu : les exemples de ce que nous pourrions qualifier de récurrence grandissante de l’occulte dans l’art actuel des dernières années sont légion. Aussi floue que vaste, cette tendance semble rejoindre ce que la sociologue Françoise Champion qualifiait dès les années 1990 de « nébuleuse mystique-ésotérique1 1 - Françoise Champion, « La “nébuleuse mystique-ésotérique” : Une décomposition du religieux entre humanisme revisité, magique, psychologique », dans François Laplantine et Jean-Baptiste Martin (dir.), Le défi magique : Ésotérisme, occultisme, spiritisme, vol. 1, Lyon, Presses Universitaires de Lyon (CRÉA), 1994, p. 315.». Cette expression régulièrement reprise décrit toujours efficacement une situation et un champ d’études marqués par une nomenclature en friche et une libre appropriation de techniques et de traditions variées. La notion même d’occulte, terme polyvalent permettant ici d’englober autant les traditions ésotériques occidentales et orientales que leur écartèlement dans la culture populaire, mériterait un article à elle seule.

Cependant, au-delà du flou constitutif ambiant, un second constat s’impose : rappelant le contexte contemporain de croyance faible dans lequel l’occulte est souvent pratiqué de manière dilettante bien plus que fervente, plusieurs artistes nous laissent effectivement dans le doute quant à leurs intentions, inscrivant ainsi au cœur de l’œuvre une relation en suspens entre le croire et le non-croire. L’artiste Véronique Béland – dont l’œuvre As We Are Blind (2016) consiste en un capteur d’aura qui traduit les informations électrodermales des spectatrices et spectateurs en portraits auratiques, de même qu’en partitions musicales transmises en direct à un piano mécanique – croit-elle aux auras ? Benoît Pype – dont l’œuvre Chutes libres (2013) se présente sous la forme de petites gouttes de métal en fusion plongées dans l’eau, ce qui permet, selon la pratique de la molybdomancie, de lire l’avenir – croit-il à la divination ? Ces questions sans réponses perturbent par leur seule présence un monde de l’art plus habitué à la distance critique par rapport à la croyance, objet d’étude toujours considéré comme confus et dérangeant. Comment percevoir cette présence occulte dans un contexte où, bien que la théorie de la sécularisation soit largement remise en cause, la croyance, apanage de l’occulte, demeure chose épineuse ?

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Cet article parait également dans le numéro 105 - Nouveau nouvel âge
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