SMITH
Outre

Anne-Marie Dubois
VOX, centre de l’image contemporaine, Montréal
du 23 novembre 2023 au 3 février 2024
SMITH
SMITHOutre, vue d’exposition, 2023.
Photo : Michel Brunelle
VOX, centre de l’image contemporaine, Montréal
du 23 novembre 2023 au 3 février 2024
[In French]

Sous le commissariat de Thérèse St-Gelais, VOX présentait, au cours de l’hiver, la dernière exposition solo de SMITH, artiste trans dont l’œuvre reflète son obsession pour les frontières et les entredeux. Repoussant sans cesse les limites du dicible et de l’assignation – cet « outre » qu’évoque le titre de l’exposition –, l’artiste réitère, dans cette nouvelle mouture pluridisciplinaire, son intérêt marqué pour l’« hantologie », un concept clé pour comprendre sa pratique iconoclaste, qui se situe à la croisée de la philosophie et des arts. Ce néologisme, inventé et théorisé par Jacques Derrida pour soutenir ses recherches sur l’ontologie, vise à saisir le caractère rémanent du passé dans l’étude du présent et se prête ici aux lubies plastiques de l’artiste.

La photographie, à l’instar de la forme cinématographique, nous dirait d’ailleurs Derrida, est en elle-même une trace mnémonique du passé hantant le présent. C’est certainement le cas des images et des vidéos de SMITH, lesquelles se font le témoin d’une époque révolue tout en laissant croire à un je-ne-sais-quoi de non avenu ou à venir. Ses spectrographies, des photos réalisées à l’aide d’une caméra thermique et montées sur aluminium, nous donnent l’impression d’être en présence de figures fantomatiques ou d’êtres supranaturels. La texture granuleuse des images ainsi couchées sur les plaques de métal magnifie l’esthétique pictorialiste qui fait la marque de l’artiste, qui préfère les atmosphères et les ressentis au rendu documentaire, l’imagination à la réalité, la subjectivité à l’objectivité. Une poétique visuelle que subliment des couleurs chaudes et vibrantes révèle une pulsion presque sensuelle, certainement charnelle, que la caméra thermique saisit justement. Ce basculement de l’optique vers l’haptique est chose courante dans l’œuvre de SMITH, le corps étant un sujet de prédilection pour cet artiste qui a lui-même exploré les spectres du genre et de l’identité. Ailleurs, projetés sur un des murs de la galerie, des corps tout aussi fantomatiques se trémoussent, captés par l’œil intrusif de la caméra thermique, comme s’ils flottaient dans le néant sidéral. L’effet, étrange, est accentué par une trame sonore à la fois enveloppante et sépulcrale. Outre laisse beaucoup de place à l’imagination et à l’introspection, à preuve l’absence de cartels et de titres.

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This article also appears in the issue 111 - Tourism
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