Rirkrit Tiravanija
JOUEZ/PLAY

[In French]

Entièrement consacrée au travail de l’artiste Rirkrit Tiravanija, la plus récente exposition de la Fondation Phi pour l’art contemporain (commissariée par Melissa Karmen Lee) se déploie avant tout comme une invitation à franchir le seuil de la contemplation passive pour s’élancer dans l’imprévisible de la rencontre de soi et d’autrui. Pionnier de l’art relationnel, Tiravanija propose des configurations sociales où se dissolvent les frontières entre les sphères intime et publique, la vie quotidienne et l’expérience artistique. S’il encourage le visiteur ou la visiteuse à s’immiscer dans le dispositif des œuvres, le titre de l’exposition, Jouez/Play, souligne également l’un des aspects fondamentaux de l’approche artistique de Tiravanija : la pause, le ralentissement et le temps de la rencontre.

Dès que l’on traverse le sas qui mène de la galerie à untitled 2017 (skip the bruising of the eskimos to the exquisite words vs. if I give you a penny you can give me a pair of scissors) (2017), la transformation s’opère, le jeu commence. La forte luminosité de l’espace fait place à l’ambiance feutrée et intimiste d’un bar de quartier. Il s’agit ici d’une reconstitution du bar du film Tous les autres s’appellent Ali (version française d’Angst essen Seele auf) réalisé par Rainer Werner Fassbinder en 1974. L’ensemble de l’œuvre gravite autour de cette production cinématographique, laquelle illustre la relation amoureuse entre une ouvrière allemande veuve (Emmi) et un travailleur étranger temporaire marocain de 20 ans son cadet qui exerce le métier de mécanicien (Ali). Fassbinder aborde les tensions sociales et raciales en Allemagne dans les années 1970 en s’attardant à la relation entre le couple et son entourage pour dresser un portrait sociétal de l’époque. L’installation de Tiravanija a été réalisée à l’origine pour une adaptation du film qu’il a tournée à la galerie new-yorkaise Gavin Brown’s Enterprise.