Patrick Bernier et Olive Martin
Wilwildu

Vanessa Morisset
Le Grand Café, Centre d’art contemporain, Saint-Nazaire, du 15 octobre au 31 décembre 2016
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Patrick Bernier et Olive Martin Wilwildu, vue de l’exposition, Le Grand Café - centre d’art contemporain, Saint-Nazaire, 2016.
Photo : Aurélien Mole
Le Grand Café, Centre d’art contemporain, Saint-Nazaire, du 15 octobre au 31 décembre 2016
[In French]
Sur les deux étages du Grand Café de Saint-Nazaire se tient la toute première exposition d’ampleur des artistes Patrick Bernier et Olive Martin, rassemblant des œuvres anciennes – telles quelles ou réactivées – et d’autres produites au Centre d’art, y compris une pièce en cours de réalisation, qui offre la possibilité de considérer pleinement la spécificité de leur démarche artistique. Car spécifique, elle l’est à bien des égards, tant dans son organisation interne que dans son rapport à ce qui la nourrit à l’extérieur, comme le suggère l’étonnant titre de l’exposition, chauvesouris, en langue peule, un animal hybride entre oiseau et mammifère, présent sous différentes espèces partout sur la planète.

Voir se jouxter des pièces qui à priori prennent appui sur des champs d’activité éloignés, par exemple le tissage traditionnel et la construction navale, permet tout d’abord de comprendre la manière dont leurs différents projets se recoupent en des problématiques précises et pertinentes. Ainsi, au rez-de-chaussée, accompagnant le film et l’installation qui en dérive, tous deux intitulés Le Déparleur, respectivement de 2012 et 2016, où les artistes utilisent deux métiers à tisser nomades fixés à des échafaudages et placés en vis-à-vis, des photographies représentent des travailleurs sénégalais occupés, dans la bonne humeur, à apprendre à tisser à leurs collègues de chantier – documents issus du Centre de culture populaire lié à la construction navale de Saint-Nazaire (voir plus bas). À l’étage, parmi les recherches autour de la pièce en cours, une Affiche publicitaire de la Compagnie de Navigation Paquet pour la ligne d’Afrique Occidentale (1962), conservée à l’éco-musée de la ville, appelle à l’immigration par ce slogan « Venez en France ». Les deux projets se croisent et nous plongent dans le passé colonial de la France, en sapant les préjugés qu’il véhicule parfois encore : on ne peut que constater ici que les immigrés apportent plus à leurs hôtes que l’inverse. Pensés à l’aune de l’actualité, ces éléments invitent conjointement à une analyse bien pessimiste de l’attitude occidentale. Et l’on peut encore élargir la réflexion en rapprochant ces pièces d’une autre exposition récente des deux artistes, Je suis du bord, présentée successivement au CAPC de Bordeaux et à la MABA de Nogent-sur-Marne, où l’on pouvait notamment voir une vidéo s’interrogeant sur le rôle pédagogique du Mémorial de l’abolition de l’esclavage de Nantes, ainsi qu’une autre sur la traversée de l’Atlantique inspirée d’un passage de Tout-Monde d’Édouard Glissant. En somme, les deux artistes partent de thèmes ou de sujets particuliers qui ouvrent sur d’immenses problématiques renvoyant à notre (in)humanité.

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