On Curating. Interviews with Ten International Curators

Katrie Chagnon
D.A.P., New York
2009, 120 p.
[In French]

Avec On Curating, Carolee Thea poursuit une enquête qu’elle avait entamée dans Foci (2001), un premier volume d’entretiens avec dix commissaires indépendants parmi les plus influents de la scène internationale, dont Harald Szeemann et Hans Ulrich Obrist. Cette seconde mouture en présente dix autres, issus des diverses régions du monde. D’emblée, ce choix s’avère congruent avec l’orientation principale des discussions : le développement accéléré des biennales et autres « méga » expositions à l’ère de la mondialisation. Au-delà de l’intérêt qu’il porte aux approches individuelles du commissariat ainsi qu’aux réalisations concrètes de chaque acteur interrogé, ce livre cherche à rendre compte de la multiplication des centres et des facteurs complexes intervenant dans la pratique « nomade » de cette nouvelle catégorie d’experts. D’ailleurs, l’accent est mis sur des enjeux politiques tels que le postcolonialisme, le capitalisme, le tourisme et l’empire du spectacle.

Dans cette série d’entretiens réalisés entre 2001 et 2006, l’objectif de Thea paraît double : d’une part, cerner le rôle de médiateur assumé par le commissaire d’exposition ; d’autre part, situer ce rôle par rapport aux transformations effectives du monde actuel. L’auteure énonce clairement sa position dans l’introduction : « The relationship between new artistic practices and new modes of production, new forms and new meanings – and the specialized economies they engender – cannot be considered without taking into account the recent transformations in the global market » (p. 6). À ce postulat vient se greffer l’idée selon laquelle dans la nouvelle économie du monde artistique, le commissaire indépendant s’apparente à un directeur de théâtre ou à un gestionnaire d’entreprise.

Les rapports entre l’art et le marché font d’ailleurs l’objet d’échanges stimulants dans plusieurs cas. Par exemple, Carolyn Christov-Bakargiev défend la mondialisation des expositions d’art contemporain en l’inscrivant dans la logique de la démocratisation des espaces artistiques depuis l’invention du musée public au 19e siècle. En revanche, les interventions de Pi Li (Chine), Okwui Enwezor (Afrique) et Joseph Backstein (Russie) soulignent les dangers idéologiques que représentent de telles pratiques. L’utilisation des biennales à des fins de propagande et l’homogénéisation des différences culturelles sont des enjeux critiques dont il faut tenir compte, selon eux, lorsque vient le temps de lier le « local » au « mondial ». Dans une perspective plus pragmatique, Massimiliano Gioni met l’accent sur les politiques institutionnelles avec lesquelles le commissaire doit sans cesse composer pour réaliser ses projets. 

L’image utopique de l’exposition comme espace « autre » et imaginaire tend à s’effacer derrière un discours plus réaliste. Ce discours fait valoir un travail inscrit à l’intérieur des paramètres économiques et sociopolitiques de la culture contemporaine.

Katrie Chagnon
This article also appears in the issue 72 - Curators
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