Mélanie Boucher et les Guerrilla Girls, Guerrilla Girls : Troubler le repos

Katrie Chagnon
Montréal, Galerie de l’UQAM, 2010, 104 p.

[In French]

La parution du catalogue de l’exposition des Guerrilla Girls à la Galerie de l’UQAM est l’occasion d’insister, une fois de plus, sur le rôle spécifique des lieux d’exposition universitaires en ce qui a trait à la documentation et à l’interprétation de l’art contemporain. À cet égard, l’institution dirigée par Louise Déry, qui a pour mandat de créer des liens dynamiques entre exposition et publication, se démarque par une production assidue d’ouvrages aux formats très variés. Le « petit livre tout en couleur, mais enrobé de noir » auquel ont collaboré les Guerrilla Girls fait d’ailleurs partie d’une série de réalisations plus modestes où le souci de diffuser se manifeste à travers des stratégies de conception originales.

D’entrée de jeu, il faut rappeler que l’exposition Guerrilla Girls : Troubler le repos a été présentée en décembre 2009 dans le cadre de la commémoration du 20e anniversaire de la tuerie de Polytechnique. Dès les premières pages de l’ouvrage, on explique combien ce contexte est déterminant pour le sens et la portée symbolique du projet. D’une part, celui-ci permet de réaffirmer l’engagement de la Galerie vis-à-vis des pratiques artistiques qui soulèvent des enjeux politiques et sociaux ; de l’autre, il souligne la place centrale qu’occupent les théories féministes à l’UQAM. En retour, l’invitation à créer une œuvre inédite inspirée par le tragique événement de 1989 oriente la réflexion du collectif américain vers une problématique peu explorée dans le passé, soit la situation des femmes dans le système d’éducation. L’exposition, annoncée par la première affiche en français des Guerrilla Girls, comprenait également un volet rétrospectif composé d’une sélection d’affiches représentatives de leur parcours depuis 1985.

L’intérêt premier de la publication réside dans sa capacité à prendre en compte, elle aussi, cette dimension contextuelle. On l’observe à plusieurs niveaux. Par exemple, une section est consacrée aux « apparitions publiques » de deux membres du groupe, présentes lors du vernissage. La sélection d’images permet de saisir la dimension performative de l’événement et de mettre en évidence le mystère identitaire que les Guerrilla Girls cultivent à l’intérieur du milieu de l’art. Suivent ensuite les photographies de l’œuvre commandée pour l’occasion, montrée dans ses différents contextes d’exposition : la galerie montréalaise, mais aussi les rues de la ville où elle a été affichée en 2 500 exemplaires. C’est toutefois la partie récapitulative du livre qui nous semble la mieux réussie et la plus intéressante du point de vue critique des artistes. Chaque œuvre est accompagnée d’un commentaire de leur part, évoquant, entre autres, les conditions de production et de réception. Ainsi, la mise en perspective offerte par l’ouvrage contribue à renforcer le propos politique de cet art et rend prégnante la conscience historique dont il est porteur.

Guerrilla Girls, Katrie Chagnon
This article also appears in the issue 70 - Miniature
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