Espaces blancs : essais, créations et dérives

Katrie Chagnon
Espaces blancs : essais, créations et dérives, Virginie Chrétien (dir.), Rimouski, Caravansérail, 2013, 139 p.
Espaces blancs : essais, créations et dérives, Virginie Chrétien (dir.), Rimouski, Caravansérail, 2013, 139 p.
[In French]

À l’occasion de son dixième anniversaire, le centre Caravansérail de Rimouski publie un livre qui jette un regard rétrospectif sur les cinq premières éditions de l’événement hivernal Espace blanc grâce auquel il s’est forgé une identité forte et s’est taillé une place dans le champ de l’art actuel québécois. Tenue pour la première fois en 2005 et transformée en biennale après sa seconde occurrence en 2006, cette manifestation artistique émerge d’un projet de recherche multidisciplinaire campé dans le contexte particulier de l’hiver rimouskois. Elle a pour principe de base l’occupation d’un lieu spécifique, la banquise, où s’érige provisoirement chaque année un village de pêche blanche : un environnement géographique, climatique, culturel et humain qu’une communauté éphémère d’artistes en résidence est invitée à investir par la production d’œuvres in situ. En proposant un panorama des projets réalisés dans ces conditions, l’ouvrage Espaces blancs : essais, créations et dérives cherche à mettre en évidence la singularité de cette biennale en fonction des différents enjeux thématiques, pratiques, sociologiques et philosophiques qu’elle soulève.

Le parti pris éditorial sur lequel repose la publication est clairement énoncé par Virginie Chrétien dans son introduction : ne pas tenter de restituer la dimension expérientielle et en quelque sorte « insaisissable » d’un tel événement par un simple retour en arrière – ni d’ailleurs l’aborder de façon platement chronologique –, mais envisager une « expérience nouvelle » à partir des questionnements qu’il génère, en faisant se côtoyer dans ses pages essais théoriques et propositions artistiques (une bande dessinée de Sylvain Cabot, p. ex.). À ce titre, le choix de faire appel à des auteurs issus d’horizons variés et n’ayant pas forcément vécu l’une ou l’autre des éditions d’Espace blanc est judicieux : outre d’encourager la diversité des points de vue, il témoigne d’une volonté d’élargir les publics au-delà du cercle d’initiés que crée inévitablement ce type de manifestation artistique, surtout lorsqu’il se produit en région.

Tel que souligné dans les textes, l’enjeu de la « régionalité » est dans ce cas-ci indissociable de celui de l’« hivernité ». C’est en ce sens que Yann Pocreau conçoit la blancheur du paysage hivernal comme une trame d’exploration physique et poétique, alors qu’Aseman Sabet examine sous un angle plus philosophique les rapports entre la nature, l’homme et le bâti à travers l’analyse attentive des propositions de quelques-uns des participants. Une approche sociologique est par ailleurs privilégiée par Andrée Fortin et Ève Dorais pour traiter, d’une part, du dialogue entre l’événement artistique et la collectivité et, d’autre part, des résidences d’artistes comme cadre de création. Enfin, l’essai de Marie-Hélène Leblanc, commissaire de l’édition 2012, propose d’inscrire l’ensemble du projet Espace blancsous le signe de la résistance, un thème qui, par l’entremise de cet ouvrage, permet aussi de résumer les dix ans d’activités de Caravansérail et d’entrevoir ses orientations futures.

Katrie Chagnon
This article also appears in the issue 79 - Re-enactment
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