Du 31 août au 14 octobre 2017
Né de l’initiative des artistes, The Long Moment propose une réflexion sur le temps et l’espace à travers l’image photographique. Exercice instantané, la photo a le pouvoir paradoxal de fixer le moment et d’en assurer une certaine pérennité. Si le temps se comprime dans l’image, il semble plutôt se dilater dans l’espace. En effet, l’architecture dresse sa forme immobile au cœur des palpitations désorganisées des villes comme ailleurs les infrastructures humaines morcèlent la vivacité de l’espace naturel de leur splendide inertie.
La série Matchbox de Velibor Božović évoque ces tensions entre le passage du temps et la résilience architecturale. Au cours des 25 dernières années, l’artiste a documenté la ville de Sarajevo depuis la fenêtre de son appartement. Alors que sa ville natale traverse d’importantes transformations, l’architecture s’impose comme le figurant indifférent de cette période. La répétition du motif et du point de vue unique exalte cet effet de décor où le paysage urbain manifeste une déconcertante stabilité devant les assauts lents et soutenus du temps et des hommes. La lumière, les rideaux et la météo laissent au contraire une empreinte, certes fugace, mais aussi plus tangible sur l’architecture. Cette trace dévoile le dispositif narratif de Božović qui de sa fenêtre se fait le narrateur singulier et distant d’une histoire en marche.
Intéressé par les systèmes de ventilation et de climatisation des institutions artistiques, David K. Ross offre un point de vue serré sur ce qui échappe normalement au regard. Le projet Signature observe l’évaporation et la dissémination de l’air des toits du musée. Les images du ciel, des appareils et des toitures exposent les espaces dérobés et accordent une substance à la matière évanescente. Cette brume que l’artiste imagine chargée de nanoparticules d’œuvres meuble l’immensité du ciel et sculpte l’espace en l’obstruant. Ross opère ainsi un renversement des perspectives illustré notamment dans Hôtel de Ville (2017). Le célèbre balcon duquel de Gaulle fera appel au Québec libre n’est suggéré que par la vue encadrant un spectateur anonyme lui-même en pleine photographie du sujet absent.
La photographie de Jinyoung Kim documente les processus de démantèlement de zones résidentielles opérés dans le cadre de la modernisation des infrastructures en périphérie de Séoul. Ayant elle-même grandi dans ces quartiers, l’artiste met l’emphase sur les récits suspendus inscrits dans les amoncèlements d’objets abandonnés. Jugong Apartments exprime ainsi à travers le chaos et le désordre une certaine mélancolie. Les meubles et les déchets traduisent un usage perdu ou un confort déchu comme les espaces obstrués par ces masses rappellent une activité devenue impossible. La photo révèle à cet égard l’aspect parfois sculptural des amas de débris de même qu’une énergie latente émanant d’eux. Cette tension entre le renoncement abattu et la désertion agressive se résume enfin avec éloquence dans la plante dépotée de Pile, Sector 112 (2016).
Alors qu’il met en scène les territoires opposés du Nunavik et du Mont-Royal, Thomas Kneubülher saisit avec les projets Off-Grid et The Mountain / The Town les traces de l’invasion humaine des espaces naturels. Les lieux déserts et les équipements contemporains cohabitent néanmoins avec un étrange détachement. Que ce soit les plaines enneigées ou les arbres dépouillés, la rencontre nature/culture ne cède pas au drame. Les images de Kneubülher laissent plutôt les espaces et les éléments exprimer les modalités de leur rencontre. La lumière joue à ce titre un rôle fondamental. Elle éclaire et module les paysages qui la voilent en d’autres endroits et circonstances. Ce ballet silencieux des éléments naturels et industriels prétend ainsi à une harmonie prudente.