Jessica Houston, Suspended in a Sunbeam

Dominique Sirois-Rouleau
Galerie McClure, Montréal
Du 8 février au 2 mars 2019
Galerie McClure, Montréal
Du 8 février au 2 mars 2019
Suspended in a Sunbeam de Jessica Houston explore le Grand Nord canadien via la nature, l’écologie et les rapports culturels. Elle expose à la Galerie McClure un corpus pluridisciplinaire issu d’une dizaine d’années de travail où elle articule l’écosystème singulier de l’Arctique avec les perspectives humaines de son territoire.

La série de collages Entanglement reprend à cet effet la forme typique des glaciers. Les plans colorés côtoient sur fond blanc des images en noir et blanc ou quelques parcelles de texte dans un assemblage fin et précis. Le travail de découpage méticuleux et l’assemblage habile des images et des plans suspendent toute possibilité narrative. Les récits d’explorations illustrés sont tronqués par les plans de sorte que le travail d’interprétation du spectateur s’apparente à la quête de l’explorateur.

Les trois sculptures, Time is All Around, approfondissent les effets visuels des collages en intégrant un jeu discret et sibyllin d’ombre et de lumière. Les pièces anguleuses et concaves laissent pénétrer la lumière en leur sein afin qu’elle façonne de nouveaux plans sur les surfaces. Houston a d’ailleurs coloré un plan de ces sculptures blanches de façon à ce que la lumière reflète aussi la teinte sur d’autres pans. Ces modulations subtiles des formes par la lumière ou les dégradés d’ombre et de couleur traduisent efficacement les aspérités et les accents du paysage arctique. L’appréciation du panorama et de ces pièces partage en effet une certaine volatilité liée à l’impermanence des éléments.

Inspirée directement du nuancier Munsell décrivant la couleur des sols, la séquence de petits monochromes, The Color of Soil, intègre parfois quelques représentations. On distingue ainsi dans certaines toiles des humains, des végétaux, des animaux ou de la machinerie à peine perceptibles ou franchement affirmés. Ces variations narratives interprètent les modalités de l’exploration naturelle et culturelle du territoire qui s’exprime selon les toiles pour leurs qualités plastiques propres ou comme ressources potentielles. À l’instar de la sculpture de bois carbonisé accompagnée de sons de glaciers, de feux et d’oiseaux, Looking for a Place to Land (2019), la forme picturale se fait chez Houston autant espace de représentation du lieu que de projection des récits qui le traversent.

Cette dualité des discours sur le territoire s’exprime avec éloquence dans le travail photographique de l’artiste. En obstruant la lentille de l’appareil d’un morceau de feutre coloré, elle s’aligne sur l’horizon et scinde ainsi l’espace non seulement entre l’air et la terre, mais aussi entre ses réalités physique et picturale. The Greening (2015) et Living Memory (2015) montrent respectivement le ciel et le sol. Si la silhouette lointaine d’une île se démarque de la première, la seconde offre une perspective assez rapprochée sur l’environnement. Les moitiés d’images condamnées de feutre jaune ou vert produisent un contraste chromatique fort et étrangement vaporeux. La texture du matériau permet cette impression brumeuse qui, à l’image des interventions humaines en Arctique, se fait aussi opaque que floue.

La vidéo Qausuittuq (The Place with No Dawn) (2010) présente en une dizaine de minutes le cycle de 24 heures d’une journée sans nuit dans la région de Resolute Bay. Deux caméras saisissent et doublent en plan fixe l’immuable horizon. Le vent et le soleil agissent alors comme seuls agents perturbateurs du paysage dont l’observation s’accompagne d’une bande sonore des voix des habitants du village de Qausuittuq. Comme la vidéo, ces récits de la communauté incarnent enfin la spécificité du lieu où les traditions et l’espace sont inextricablement liés, s’ajustant l’un et l’autre au rythme lent des éléments.

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