Nicolas Grenier, Eden

Pierre Rannou
Galerie Art mûr, Montréal
Du 29 mars au 4 mai 2008
Nicolas-Grenier
Nicolas GrenierVanité (étude de fruits interdits pourrissant), 2008.
Photo : Richard Max Tremblay
Galerie Art mûr, Montréal
Du 29 mars au 4 mai 2008
Inquiétante peinture que celle de Nicolas Grenier. Il semble d’ailleurs que ce soit une constante dans le travail de ce jeune peintre. Pourtant, le titre de l’exposition présentée à la galerie Art mûr, Eden, laissait présager toute autre chose, mais il faut croire que l’on doive l’entendre d’une façon ironique, comme le laisse penser Vanité (étude de fruits interdits pourrissants), œuvre emblématique de l’exposition, constituée de pommes à des degrés de décomposition divers et de couleurs différentes placées en cercle. Si visuellement, la référence au cercle chromatique est assez patente, l’allusion au fait que les fruits du savoir et de la connaissance n’auraient jamais été réellement consommés est plus discrète. Cependant, elle permet de pressentir rapidement que l’ensemble de l’exposition s’articule autours de questions liées à la manipulation génétique, allant des organismes transgéniques aux mutations et au clonage.

À l’instar de ses travaux précédents, Grenier continue de travailler à partir de photographies numériques qu’il manipule, pour leur donner le caractère d’étrangeté particulier à son iconographie, tout en élaborant une palette qui échappe au rendu réaliste attendu du recours à la technique photographique. D’ailleurs, dès l’entrée de la galerie, de grands tableaux abstraits, se présentant comme des chartes similaires à celles permettant de régler la gamme chromatiques des écrans d’ordinateur, soulignent admirablement bien le rôle dévolu à la couleur dans l’exposition. Et il importe de rappeler que, bien qu’il soit un excellent dessinateur – comme en témoigne la facture de ses œuvres toujours d’une superbe qualité –, Grenier se distingue tout particulièrement par ses fabuleux dons de coloriste. C’est d’ailleurs à travers son travail sur la couleur que s’affirme son propos et que les éléments représentés s’incarnent.

Cet effet est particulièrement saisissant dans une petite pièce à l’écart, une sorte d’alcôve, coupée d’une des salles principales par un rideau, où Grenier a installé trois œuvres réalisées en utilisant de l’acrylique phosphorescente. Un dispositif permet de plonger la pièce quelques instants dans le noir complet, ne laissant voir, tel des fantômes, que les personnages représentés, qui disparaissent peu à peu, en devenant de plus en plus évanescent. Au retour de la lumière, on se surprend à les scruter d’un œil inquiet. Il est difficile de ne pas penser ici au travail d’Eduardo Kac, que ce soit à son Lapin à la protéine vert fluorescent ou encore à son installation Le huitième jour. Mais ce qui distingue singulièrement le travail de Grenier, c’est qu’on y sent une véritable inquiétude face à la dérive pouvant être engendrée par les manipulations génétiques, comme le laisse entrevoir les représentations des personnages des tableaux Enfant bleu, Enfant rouge, Enfant jaune et Femme mûre, qu’il a représenté sur de petites tablettes, afin de leur conférer le statut de spécimen exemplaire. Il y a là un véritable travail pictural de monstration.

Nicolas Grenier, Pierre Rannou
Nicolas Grenier, Pierre Rannou
Cet article parait également dans le numéro 64 - Déchets
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