Lévriers

Christian Saint-Pierre
Nervous Hunter, MAI (Montréal, arts interculturels), Montréal, du 29 novembre au 2 décembre 2018
Nervous Hunter Lévriers, 2018.
Photos : Svetla Atanasova
Nervous Hunter, MAI (Montréal, arts interculturels), Montréal, du 29 novembre au 2 décembre 2018
Nervous Hunter
Lévriers, 2018.
Photos : Svetla Atanasova
Metteuse en scène d’origine chinoise, à la tête de la compagnie Nervous Hunter depuis sa sortie de l’École nationale de théâtre en 2012, Sophie Gee offrait l’hiver dernier un premier spectacle en français : Lévriers. Avec cinq individus ayant, comme elle, refait leur vie à Montréal, l’artiste a dirigé un laboratoire, une « enquête théâtrale » dont le résultat s’avère d’une authenticité désarmante. La représentation s’articule autour de la notion de succès, cette création de l’esprit après laquelle on court de toutes nos forces et qui pourrait bien être tout aussi illusoire, tout aussi artificielle que le lapin que poursuivent les lévriers sur le cynodrome.

Sur scène, une comédienne venue de Hollande (Jacqueline van de Geer), une danseuse originaire de Val-d’Or (Audrée Juteau), un joueur de rugby en provenance du Rwanda (Jean-Baptiste Mukiza), un rappeur trans né dans les Antilles (Lucas Charlie Rose) et un homme d’affaires juif venu de Toronto (Steve Korolnek). En une suite de tableaux performatifs, des scènes qui nous entrainent sans cesse de la gravité à la futilité, les protagonistes abordent les tenants et les aboutissants de leur déracinement, les hauts et les bas de leur quête de succès, les moments d’empathie et de solidarité aussi bien que ceux où la jalousie et la colère prennent le dessus. Précisons que tout cela se déroule sous le regard bienveillant de la metteuse en scène, qui devra bien elle aussi finir par témoigner de son rapport au succès.

Ils dansent et chantent, gonflent des ballons et jouent au rugby, présentent de brèves conférences sur le succès selon des auteurs célébrés. Ils s’adressent à nous, le plus souvent, mais également à leurs collègues, et même à leurs proches, disparus ou non. Dans ce branlebas de combat, cette grande mêlée, véritable concentré d’humanité où les valeurs convergent et s’entrechoquent, où les réalités s’opposent et se répondent, où les angoisses se démultiplient et s’apaisent, on ne cherche jamais, heureusement, à interpréter quoi que ce soit, on se garde bien de fournir un point de vue qui serait supérieur aux autres. On aborde la question du vivre-­ensemble, bien entendu, mais en laissant le spectateur tirer des conclusions, mettre les coups durs en perspective, relier les espoirs, rattacher les destins.

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Cet article parait également dans le numéro 95 - Empathie
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