
La constellation sociale du stade
Cette alternance entre suspension et médiation est également vraie de l’expérience du sport aujourd’hui, et encore davantage pendant les vagues de confinement. À mon sens, l’attrait du sport ne réside pas dans le jeu seul : il tient aussi au chaos de la foule, à l’ambiance sonore empreinte de nostalgie et à l’architecture imposante du bâtiment. Vidé de ses foules, le stade se transforme en structure étrange et caverneuse. Je traiterai dans le présent essai de la représentation, en art contemporain, du stade en tant qu’espace qui accueille non pas les communautés imaginées qu’on prétend qu’il rassemble, mais plutôt une foule fracturée et fragmentée, une sorte de constellation sociale qui dément le mythe d’une assemblée unifiée. On peut véritablement affirmer que la majorité des communautés sont imaginées, ce qui ne doit pas être interprété, prévient le politologue Benedict Anderson, comme une marque d’inauthenticité : « Les communautés se distinguent, non pas par leur fausseté ou leur authenticité, mais par le style dans lequel elles sont imaginées2 2 - Benedict Anderson, L’imaginaire national : Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, Paris, La Découverte, 2006, p. 20.. » D’où la fonction essentielle jouée par les récits et les « expériences de création du sens3 3 - Ibid., p. 65.» dans la construction des identités personnelles et collectives. On pourrait en dire autant des communautés imaginées qui peuplent un stade, même si c’est celle de l’État-nation dont traite Anderson.