Dora BudorOrigine I (A Stag Drinking), vue d’installation, Istanbul Biennial, 2019.
Photo : Sahir Uğur Eren, permission de l'artiste

Monstrueuse matière

Marie-Charlotte Carrier
La matière est tombée en disgrâce, au 20e siècle. Ce qu’on considérait autrefois comme inanimé est devenu mortel1 1 - Karen Barad, « No Small Matter: Mushroom Clouds, Ecologies of Nothingness, and Strange Topologies of Spacetimemattering », dans Anna Lowenhaupt Tsing, Heather Anne Swanson, Elaine Gan et Nils Bubandt (dir.), Arts of Living on a Damaged Planet: Ghosts and Monsters of the Anthropocene, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2017, p. 103. [Trad. libre]. – Karen Barad

Ces dernières années, la notion d’assemblage a fait l’objet de nombreuses études interdisciplinaires. Alors que les chercheurs et chercheuses, autant en sciences humaines qu’en sciences pures, remettent en question le concept établi d’espèce « distincte », les organismes sont maintenant envisagés comme des nœuds dans des réseaux multifacettes – des réseaux tellement élaborés qu’il devient impossible de discerner les limites d’un organisme. Les êtres et la matière ne formeraient pas des entités autonomes ; ce serait plutôt des porosités visqueuses, et le corps humain n’échapperait pas à cette nouvelle conception de la matérialité. Comme l’observe Donna Haraway : « Les génomes humains se retrouvent seulement dans environ 10 % de la totalité des cellules qui occupent cet espace concret que nous appelons le corps ; les 90 % restants renferment des génomes de bactéries, de champignons, de protistes, etc. […] Je suis devenue un être humain adulte en compagnie de ces minuscules camarades. Être un signifie toujours devenir à plusieurs2 2 - Donna J. Haraway, When Species Meet, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2007, p. 4. [Trad. libre]. »

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Cet article parait également dans le numéro 101 - Nouveaux matérialismes
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