
Monstrueuse matière
Ces dernières années, la notion d’assemblage a fait l’objet de nombreuses études interdisciplinaires. Alors que les chercheurs et chercheuses, autant en sciences humaines qu’en sciences pures, remettent en question le concept établi d’espèce « distincte », les organismes sont maintenant envisagés comme des nœuds dans des réseaux multifacettes – des réseaux tellement élaborés qu’il devient impossible de discerner les limites d’un organisme. Les êtres et la matière ne formeraient pas des entités autonomes ; ce serait plutôt des porosités visqueuses, et le corps humain n’échapperait pas à cette nouvelle conception de la matérialité. Comme l’observe Donna Haraway : « Les génomes humains se retrouvent seulement dans environ 10 % de la totalité des cellules qui occupent cet espace concret que nous appelons le corps ; les 90 % restants renferment des génomes de bactéries, de champignons, de protistes, etc. […] Je suis devenue un être humain adulte en compagnie de ces minuscules camarades. Être un signifie toujours devenir à plusieurs2 2 - Donna J. Haraway, When Species Meet, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2007, p. 4. [Trad. libre]. »