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Geronimo Inutiq ARCTICNOISE, vue d’exposition, grunt gallery, Vancouver, 2015.
Photo : Henri Robideau, permission de grunt gallery, Vancouver, Vtape, Toronto et Isuma Productions

Une lecture en contrepoint : Arcticnoise, de Geronimo Inutiq

Sydney Hart
Focalisant son attention sur les lieux de la littérature laissés dans l’ombre par le colonialisme, le théoricien Edward W. Said utilise une méthode qui consiste à « lire en contrepoint » pour révéler les ramifications coloniales des classiques littéraires et contester l’appréciation qui en est faite. « Quand nous examinons les archives culturelles, notre lecture n’est pas univoque mais en contrepoint, écrit-il dans Culture et impérialisme. Nous pensons simultanément à l’histoire métropolitaine qu’elles rapportent et à ces autres histoires que le discours dominant réprime (et dont il est indissociable)1 1 - Edward W. Said, Culture et impérialisme, Fayard et Le Monde diplomatique, 2000, p. 97 (les italiques sont dans le texte original).. »

Ce procédé lui permet d’exposer la cohérence narrative, géographique et formelle des œuvres classiques, qu’il oppose à la divergence des histoires contemporaines en insistant particulièrement sur la résistance à l’impérialisme qui sous-tend les structures narratives conventionnelles du roman européen du 19e siècle. Dans ses lectures en contrepoint, Said interroge l’économie formelle du roman, et il spatialise l’économie dans laquelle les personnages romanesques s’épanouissent de manière à ce qu’elle englobe les coordonnées géopolitiques du pouvoir colonial. Mais le terme « contrepoint » est un emprunt au domaine musical, où il renvoie à une composition dans laquelle des mélodies indépendantes sont jouées simultanément. Dans cet esprit, et en développant la métaphore, Said affirme que « l’analyse mondiale en contrepoint ne doit pas être conçue (comme l’étaient les conceptions antérieures de la littérature comparée) sur le modèle d’une symphonie, mais de la musique atonale ». Le modèle qu’il propose est également révélateur du transfert qui s’est opéré entre la synthèse et le récit linéaire, d’une part, et les spatialisations en rhizome, d’autre part, puisqu’il prend en compte « toutes sortes de pratiques spatiales ou géographiques et rhétoriques – accents, limites, contraintes, intrusions, inclusions, interdits – qui toutes contribuent à élucider une topographie complexe et inégale2 2 - Ibid., p. 441. ».

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