Juanita Onzaga Our Song to War, capture vidéo, 2018.
Photo : permission de l’artiste

Our Song to War — Entretien avec Juanita Onzaga

Gwynne Fulton
Our Song to War (2018) est le deuxième court métrage de la cinéaste colombo-belge Juanita Onzaga. Tissant des liens oniriques entre pays, mémoire, héritage du déplacement et mort, celle-ci explore le côté obscur du réalisme magique dans ses documentaires hybrides. Son film, dont la première a eu lieu à Cannes, raconte une histoire de fantômes qui se déroule à Bojayá, siège d’une communauté d’ascendance africaine dans la jungle du Chocó, en Colombie. Des femmes chantent la nuit pour libérer les esprits des défunts ; des hommes-crocodiles rôdent sous la surface de l’eau à l’affut des vivants ; une rivière mystique se remémore le massacre de mai 2002 et ses 79 morts. Invocation des esprits égarés des victimes des tirs croisés entre la guérilla des Forces révolutionnaires de Colombie et l’organisation paramilitaire de droite sanctionnée par l’État Autodéfenses unies de Colombie, Our Song to War offre un regard poétique et poignant sur un village en quête de paix au lendemain de la guerre.
Je me suis entretenue avec Onzaga à Bogotá, où elle préparait son premier long métrage, The Landscapes That You Seek.

Gwynne Fulton : Votre film s’inscrit en faux contre les récits visuels dominants sur le conflit colombien. Dans le passé, l’accès aux zones de guerre était réservé aux journalistes intégrés, ce qui a privilégié un point de vue encadré par l’État, nourri par la perspective militaire. Vous, vous intégrez à votre travail les discours de l’art contemporain sur la résistance et la commémoration et proposez par le fait même un récit autre qui suscite une réflexion sur notre responsabilité envers les morts et un passé qui ne l’est jamais vraiment tout à fait, puisqu’il s’imprime dans le tissu du monde par le chant et l’acte rituel. La violence a laissé des empreintes spectrales sur la terre et plus particulièrement dans les eaux de la rivière Atrato, qui a été témoin de l’un des pires massacres survenus pendant le conflit.

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Cet article parait également dans le numéro 96 - Conflits
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