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Julius von Bismarck Landscape Painting (Jungle), 2015.
Photo : permission de l'artiste, Marlborough Contemporary & Alexander Levy

Nature, temps et anthropocène : Julius von Bismarck et la peinture du paysage

Henriette Steiner
Natalie Koerner
En engageant le dialogue avec une idée de « la nature » comprise simultanément comme une image, un lieu et une rencontre, la série ouverte de paysages intitulée Landscape Painting (2015), de l’artiste allemand Julius von Bismarck, nous fait réfléchir aux rapports qui unissent notre compréhension du paysage et les catégories temporelles et spatiales rattachées à celui-ci. Landscape Painting est un exemple saisissant de la façon dont on peut repenser les dualismes convenus opposant la nature à la culture depuis les failles mêmes de notre interaction avec le monde qui nous entoure – notamment quand il s’agit de circonscrire la rencontre avec ce que nous appelons « la nature ». L’œuvre rejoint ainsi les discussions théoriques et culturelles actuelles portant sur des concepts comme « l’anthropocène ».

Bien au fait que l’activité humaine a des répercussions sur la planète tout entière, l’architecte paysagiste Martin Prominski, dans son article intitulé « Acknowledging the Anthropocene1 1 - Martin Prominski, « Acknowledging the Anthropocene », dans Lisa Diedrich (dir.), On the Move: Landscape Architecture Europe n°4, Wageningen, Blauwdruk, 2015, p. 173-177. », prône l’usage du terme anthropocène pour désigner l’ère géologique actuelle. S’il est vrai qu’aucun endroit sur terre n’est vierge de contact avec l’humain ou, du moins, de substances issues de l’activité humaine, comme les particules de carbone ou d’azote, pour Prominski, reconnaitre le caractère inéluctable de la présence de l’humanité est inconciliable avec « le concept occidental de “nature” en tant qu’entité existant hors de toute influence humaine2 2 - Ibid., p. 173. » ; une telle reconnaissance implique, par conséquent, de remettre en cause l’approche dualiste de la nature qui prévaut dans la culture occidentale. Pour ce faire, Prominski s’inspire de Wassily Kandinsky, peintre et théoricien de l’art, qui, dans un texte de 1927 intitulé « und » [et], encourage la dissolution des dichotomies et prône une réflexion et une pratique artistique plus synthétiques, ancrées dans les relations fondamentalement inextricables plutôt que dans des séparations objectivées3 3 - Wassily Kandinsky, « und » (1927), Essays über Kunst und Künstler, Berne, Benteli, 1963, p. 97-108.. Prominski propose ainsi de remplacer l’idée de paysage, landscape, par celle d’andscape, qui, en mettant l’accent sur la conjonction, and, souligne l’inclusion de l’humain dans le paysage. Il invite les architectes paysagistes à adopter cette notion de paysage inclusif pour conceptualiser et vulgariser le caractère synthétique ou intégrateur de l’architecture du paysage, et « transcender les dualismes périmés4 4 - Prominski, op. cit., p. 176. [Trad. libre] ».

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Cet article parait également dans le numéro 88 - Paysage
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