
Photo : permission de la Galerie Escougnou-Cetraro
Je ne vois que le soleil qui poudroie… Le paysage dans les œuvres de Ludovic Sauvage
Mais, au-delà de la question du visuel, cela signifie aussi que le paysage comporte une part d’intervention humaine pour le mettre en forme. Dans son Court traité du paysage, Alain Roger thématise cette double composante naturelle et artificielle en empruntant à Montaigne le terme d’artialisation de la nature, que le théoricien comprend à la fois comme intervention réelle, in situ – par exemple avec la taille des arbres selon des formes géométriques dans les jardins à la française –, et comme représentation, in visu – notamment par l’adoption de points de vue et de cadrages spécifiques 2 2 - Alain Roger, Court traité du paysage, Paris, Gallimard, 1997, p. 16.. Plus encore, avec l’image mécanique et, aujourd’hui, numérique, le paysage comme représentation finit par relever autant, si ce n’est plus, de la technique que de la nature. À bien des égards, les œuvres de Ludovic Sauvage ouvrent sur ces vastes considérations en décomposant et en recomposant de manière expérimentale les éléments paysagers. Avec la création de dispositifs constitués d’éléments analogiques, tels que les diapositives et les projections, ou numériques, comme les animations 3D, elles font entrevoir l’historicité de la formation des paysages contemporains, qu’elles lient à l’évolution et à la circulation des images. Surtout, elles jouent avec les clichés pour inventer de nouveaux agencements esthétiques, par exemple en déplaçant des motifs d’un support vers un autre ou en extrapolant la présence d’une composante à la jonction du paysage et de l’image : la lumière. Ainsi, le paysage se retrouve à la croisée de questionnements sur les représentations collectives contemporaines tout en étant revisité selon une approche qui tient autant de la peinture et du cinéma que des arts numériques.