Karine Wasinana EchaquanVue de la performance devant l’œuvre chant pour l’eau [Kinosipi] par Hannah Claus, Musée d’art de Joliette, 2019.
Photo : Romain Guilbeault, permission du ICCA

Imaginer autre chose : le Collectif des commissaires autochtones sur les possibilités d’expansion du travail collectif

Sarah Nesbitt
Réfléchissant à la culture du suprémacisme blanc dans un ouvrage intitulé Dismantling Racism: A Workbook for Social Change Groups (2001 ; « Démanteler le racisme : un manuel à l’usage des groupes qui veulent changer la société »), Kenneth Jones et Tema Okun nous suggèrent judicieusement d’assimiler ce que nous savons déjà : « Une structure, d’elle-même ou toute seule, ne peut ni favoriser ni empêcher les abus. » Si nous admettons cela, nous pourrons alors, de leur point de vue, « aider chaque personne à donner le meilleur d’elle-même [ou du moins] déterminer clairement qui dispose du pouvoir et de quelle façon les détenteur·trice·s du pouvoir sont censé·e·s en faire usage, [au lieu de] consacrer notre énergie aux structures organisationnelles en essayant de prévenir les abus et en protégeant [en fait] le pouvoir tel qu’il existe actuellement1 1 - Kenneth Jones et Tema Okun, « White Supremacy Culture », dans Dismantling Racism: A Workbook for Social Change Groups, ChangeWork, 2001. Adapté en 2020 par Patricia Bushel pour le groupe de travail sur les lectures, la réflexion et l’action contre le racisme (Anti-Racist Reading, Thinking, and Acting working group), accessible en ligne. [Trad. libre] ».

Une réflexion centrée sur la collectivité – en particulier sur la perception des collectifs du domaine des arts qui, en grande partie à cause de leur position marginale, passent souvent pour radicaux – nous permet de critiquer l’idée qu’une structure aurait le pouvoir magique de créer des situations propices à l’action responsable ou révolutionnaire. Demandons-nous, par exemple : où vont les groupes qui fonctionnent déjà dans ce qu’on appelle « la marge » ? Et si l’action radicale se présentait en fait comme un lent travail à long terme, un travail soutenu et soutenable ? Ce travail n’exigerait-il pas des ressources, des titres de fonction et des plans stratégiques ? Le Collectif des commissaires autochtones/The Indigenous Curatorial Collective (ICCA) possède plusieurs des attributs que l’on valorise dans les collectifs : la capacité d’improvisation, d’adaptation et d’innovation, la spontanéité, l’autonomie et l’utilité. Mais au lieu de fonctionner en périphérie comme bien des collectifs, les membres qui ont fondél’ICCA2 2 - L’ICCA a été fondé par Barry Ace, Ahasiw Maskegon-Iskwew, Ron Noganosh, Ryan Rice et Cathy Mattes, <icca.art>. se sont aperçu·e·s dès la première année suivant sa création, en 2005, que leur travail serait plus efficace s’il adoptait la configuration et les caractéristiques d’un centre – c’est devenu un organisme à but non lucratif, fonctionnant par subventions, où les rôles sont formalisés. Le fait d’être un organisme enchâssé dans un collectif signifie que les individus qui y travaillent sont censés assumer la responsabilité implicite de leur redevabilité, d’une part, et travailler en faveur des personnes envers qui elles sont redevables, d’autre part, soit la communauté toujours croissante des travailleuses et des travailleurs du domaine des arts et de la culture autochtones. Afin de soutenir ces travailleurs et travailleuses, les membres du milieu plus vaste des arts et de la culture non autochtones sont invités à se joindre à la communauté de l’ICCA, par exemple en participant au Programme d’adhésion des établissements, à des colloques et à des expositions à l’échelle nationale et internationale et, plus récemment, à des publications.

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Cet article parait également dans le numéro 104 - Collectifs
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