Milutin Gubash

La main du magicien dans la froide lumière du jour

Anne-Marie St-Jean Aubre
MAC LAU, Saint-Jérôme, du 9 février au 30 aout 2020
Milutin Gubash La main du magicien dans la froide lumière du jour,vues d’exposition,MAC LAU, Saint-Jérôme, 2020.
© Milutin Gubash / SOCAN (2020)
Photos : permission de l’artiste
MAC LAU, Saint-Jérôme, du 9 février au 30 aout 2020
Milutin Gubash
La main du magicien dans la froide lumière du jour, vues d’exposition, MAC LAU, Saint-Jérôme, 2020.
© Milutin Gubash / SOCAN (2020)
Photos : permission de l’artiste
[In French]
Dans un court texte sur le journalisme publié dans La Vie matérielle, Marguerite Duras affirme ceci : « Une information véritable c’est à la fois subjectif et tangible, c’est une image donnée, écrite ou orale, toujours indirecte. Quelquefois je pense que le journalisme tendancieux, flétri comme tel, est le meilleur journalisme, au moins il rétablit l’ignorance, il fait douter de la version de l’évènement.  On y accède alors pour le corriger. On peut se l’approprier. »

Ces mots m’ont fait penser à l’exposition de Milutin Gubash puisque sa pièce de résistance est une grande installation qui reproduit la scène d’un massacre dont on voit, brouillée par le mouvement d’une cache voletant au bout d’une ficelle, l’image projetée en noir et blanc d’une diapositive sur verre datée de 1914. La scène « réelle », documentée par la photographie, parait « irréelle » : le côté extrêmement graphique des corps démembrés, un peu flous à cause de la technologie d’époque, nous fait douter de la vérité de ce qu’on regarde. L’installation qui se déploie à ses côtés, par son emploi de rubans jaunes délimitant l’espace et de spots d’éclairage, emprunte autant aux codes de la scène de crime qu’à ceux du tournage. Elle renforce l’idée que le leurre – la fiction, la possible manipulation des faits par l’image – est central au propos de l’artiste. Il s’agit moins de la reconstitution historique d’un charnier localisé dans un village serbe que d’une représentation indirecte, qui use du second degré. Les ongles manucurés, les sandales à talon haut et les vêtements à la mode couvrant les morceaux de corps abandonnés parlent de l’actualité du tableau ; les multiples outils d’enregistrement d’images ou de vidéos pointent vers les médias et le seul personnage dont on voit le visage – un alter ego de l’artiste – transforme la scène en une mise en abime qui s’éloigne de sa source première. Les ombres, créées par l’éclairage vacillant qui dépend de l’énergie produite par l’activation d’un vélo, suggèrent un circuit fermé, possiblement une métaphore pour un système qui se mord la queue. Lequel ?

You must be logged in to access this content.

Create your free profile or log in now to read the full text!

My Account
This article also appears in the issue 100 - Futurity
Discover

Suggested Reading