Loin des yeux près du corps : entre théorie et création

Dominique Allard
Thérèse St-Gelais (dir.), Montréal, Galerie de l’UQAM et Éditions du remue-ménage, 2012, 177 p.

[In French]

À la fois catalogue d’exposition et actes de colloque, Loin des yeux près du corps : entre théorie et création dirigé par Thérèse St-Gelais témoigne de la vastitude des recherches féministes actuelles en art. La publication est divisée en deux sections : l’une présente l’exposition Loin des yeux près du corps tenue à la Galerie de l’UQAM à l’hiver 2012 qui groupait le travail de 10 artistes femmes, et l’autre rassemble les essais des 21 participantes au colloque Femmes : théorie et création qui avait lieu à l’automne 2010. Composé à parts égales de textes et d’images, l’ouvrage répond à l’objectif de la commissaire de penser conjointement la théorie et la création d’un point de vue féministe.

Deux axes de recherche guident l’écriture de la publication : le premier, orienté par les œuvres exposées, interroge les effets de proximité et de distance entre les yeux et le corps à la rencontre de l’œuvre. Privilégiant l’intimité de l’expérience sensitive du corps, le regard se fait « réceptacle d’une mémoire corporelle à partager » (p. 19). Le second axe explore la relation entre femmes, théorie, création et politique et renvoie à l’ensemble des essais qui propose l’analyse de productions artistiques contemporaines « en vue de déterminer leur apport à l’avancement du savoir et des femmes » (p. 59). La portée didactique de l’ouvrage est ainsi soulignée en combinant la perspective d’historiennes, théoriciennes, auteures et artistes et en abordant de manière historique, sociologique et méthodologique la posture féministe en art, ce qui permet d’envisager la richesse actuelle du propos.

La qualité du projet reflète aussi un important travail de collaboration entre nombre d’acteur-es, dont deux maisons d’édition (Galerie de l’UQAM et remue-ménage). Cette collaboration participe à l’engagement politique fondé sur les études féministes et sur le genre, rendant indissociables théorie et création. La visée politique du projet est clairement énoncée par St-Gelais qui reprend la position de Jacques Rancière, celle qui repose sur la capacité des images et théories de l’art à transformer les idées et à configurer de nouveaux mondes possibles.

Cette conception politique de l’art permet de mieux saisir la ligne de pensée qui lie le projet d’exposition et le colloque. Elle permet aussi de concevoir ce projet collaboratif comme volonté de se dégager des normes discursives. En s’adressant aux historiennes, théoriciennes, auteures et artistes, la commissaire rappelle l’importance de réfléchir sur la théorie et la création pour laisser place à un discours ou à une œuvre créative, non conforme aux structures normatives.

Dominique Allard
This article also appears in the issue 76 - The Idea of Painting
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