Gail Pickering

Near Real Time

Vanessa Morisset
Centre d’art contemporain de la Ferme du Buisson, Noisiel
du 17 mai au 27 juillet 2014

Baltic Center for Contemporary Art, Gateshead, R.-U.
du 31 octobre 2014 au 12 janvier 2015
Gail Pickering, Near Real Time, 2014.
Photo : © Émile Ouroumov, permission de l’artiste et de la Ferme du Buisson
Gail Pickering
Near Real Time, 2014.
Photo : © Émile Ouroumov, permission de l’artiste et de la Ferme du Buisson
Lorsqu’une jeune artiste londonienne s’approprie les images d’une télévision communautaire créée dans une cité de Grenoble au début des années 70, on ne peut qu’être intrigué par les œuvres qui en résultent. Présentés à la Ferme du Buisson dans l’exposition Near Real Time, les vidéos et les images photographiques de Gail Pickering peuvent pour certains sembler déroutants, tant ils diffèrent du travail que les artistes effectuent en général à partir d’archives. Car, si elle utilise certaines images sans les modifier, notamment un extrait de l’extraordinaire film de science-fiction Les poules auront des dents réalisé par un adolescent en 1975, dans d’autres pièces, des séquences de la télévision grenobloise sont mêlées à de nouvelles images, des récits et des sons remixés. Par exemple, dans la vidéo intitulée The Action Theater Group, l’artiste introduit après quelques minutes d’archives un film dans lequel elle a fait rejouer pour l’exposition une pièce de théâtre didactique écrite à l’époque. En intervenant ainsi, elle interroge la distance qui nous sépare des années 70, en particulier de l’activisme politique, qu’elle n’évoque pas forcément à travers des slogans ou des poncifs de la protestation, mais aussi par des détails plus subtils, comme la présence récurrente dans l’exposition, au sein des vidéos et sous la forme d’une impression jet d’encre sur papier, d’une cigarette qui se consume. Celle-ci symbolise à elle seule l’effervescence et l’agitation utopique.

Une œuvre ouvre sur une autre problématique, teintée de métaphysique, la manière dont une image collective peut devenir une image mentale. Dans la vidéo New Town, Pickering s’empare d’images du quartier de « La Villeneuve » filmé de nuit en les accompagnant d’un récit poétique et intime énoncé par une voix off qui transforme la vision des immeubles (espace public) en une expérience hallucinatoire (espace mental). Cette œuvre est dans la lignée de travaux précédents, en particulier Brutalist Premonotion (2008), dans lequel elle cherchait déjà des points de conversion entre le collectif et le personnel à partir du thème de l’image de soi à la télévision, en faisant interagir images et performance.

Une autre installation de l’exposition, Karaoke, fonctionne comme une métaphore du travail de Gail Pickering et suggère une clé d’interprétation. Sur deux moniteurs qui se répondent à distance, posés par terre dans deux espaces séparés, on découvre les images, sans doute issues d’un documentaire, d’une momie dont on découpe les bandelettes, ponctuées par la voix de l’artiste qui donne des indications sur les tâches à accomplir. Lors de son analyse, la momie est détruite, comme le sont les images d’archives qui ont servi de base aux œuvres et qui ont été exhumées et transformées pour être transportées jusqu’à nous, aujourd’hui.

Après la Ferme du Buisson, l’exposition sera présentée à l’automne au Baltic Center for Contemporary Art de Gateshead.

Gail Pickering, Vanessa Morisset
This article also appears in the issue 82 - Spectacle
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