Documentary Protocols.
Protocoles documentaires. (1967-1975)

Denis Lessard
Vincent Bonin (dir.), avec la collaboration de Michèle Thériault, Montréal, Galerie Leonard & Bina Ellen, 2010, 416 p.

[In French]

Cette importante publication bilingue est arrimée à deux expositions sur les archives des structures autogérées, présentées à la Galerie Leonard & Bina Ellen en 2007 et 2008. Ces activités confirment pour nous l’intérêt grandissant porté à l’histoire et à la culture des centres d’artistes et sont rattachées à l’expertise de l’Université Concordia, seule institution à conserver des fonds de centres d’artistes dans la région de Montréal.

Le projet de Vincent Bonin se distingue par la qualité et la profondeur de sa réflexion sur l’utilisation et la diffusion des archives. L’auteur apporte un nouvel éclairage sur l’histoire des centres d’artistes. Ainsi, des ­structures comme N. E. Thing Co. et Intermedia Society se sont incorporées en amont des exigences légales liées aux subventions gouvernementales.

L’ouvrage présente diverses reproductions numériques de documents d’archives répartis en « cahiers ». Le graphisme prête toutefois à ­confusion, notamment la place très discrète des organismes et des particuliers au bas des pages et la numérotation des composantes d’un même document.

Bonin souligne le caractère subjectif du travail d’archiviste, qui met en forme la documentation, processus parfois commencé par le donateur du fonds lui-même. D’ailleurs, ne perdons pas de vue que le choix des documents reproduits dans Protocoles Documentaires n’est pas neutre. L’archiviste Bonin propose des matériaux aux lecteurs et aux ­chercheurs : sa propre recherche est complétée par six « études de cas » du ­collectif Primary Information (réédition des documents de la Workers’ Art Coalition), de David Tomas (Environment de N. E. Thing Co.), de Kristy A. Holmes (True Patriot Love de Joyce Wieland), d’Anne Bénichou (Great Wall of 1984 de Glenn Lewis), de Marion Froger (les débuts de Vidéographe) et de Felicity Tayler (le rôle des publications au sein des structures ­autogérées).

Comme Michèle Thériault dans son excellente introduction, Bonin ­s’interroge sur la récupération de ces corpus par les institutions (musées et universités). Mais heureusement qu’elles ont conservé – parfois de justesse – ces traces qui ne correspondent pas toujours à leurs valeurs. La réflexion très fine de Bonin est peut-être un antidote à cette situation : elle expose le caractère hybride de ces archives, traces administratives métissées de préoccupations artistiques et sociales. 

L’intérêt porté à l’histoire et à la culture des centres d’artistes exigera la collaboration croissante des institutions gardiennes d’archives, qui devront se montrer particulièrement souples et ouvertes. Alors que plusieurs centres d’artistes atteignent 25 ou 30 ans d’âge, souhaitons que la remarquable analyse de Bonin et de ses collègues déclenche une réelle prise en charge de la gestion des documents et des archives de l’ensemble du réseau des centres d’artistes autogérés.

Denis Lessard
This article also appears in the issue 69 - bling-bling
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