Brooklyn-Montréal

Anne Philippon
Lieux divers, New York
Du 10 janvier au 2 février 2013
Aude Moreau, Sugar Carpet, Smack Mellon, Brooklyn, 2013.
Photo : Etienne Frossard, permission de l'artiste et Smack Mellon, Brooklyn
Lieux divers, New York
Du 10 janvier au 2 février 2013
[In French]

Chassé-croisé diplomatique, l’événement Brooklyn-Montréal examinait pour la première fois les pratiques d’artistes issues de ces deux lieux phares de l’art contemporain. Se rejoignant à plusieurs égards, ces cités nord-américaines se sont jumelées, l’espace de quelques mois. L’entreprise amorcée il y a 3 ans, chapeautée par le Centre Clark et coordonnée par Claudine Khelil, Yann Pocreau et Alun Williams de Parker’s Box, regroupait au total 16 institutions et près de 40 artistes. Laissant le libre arbitre aux partenaires, les organisateurs ont préféré ne pas imposer de thème et miser sur l’échange multidisciplinaire. L’idée de dialogue qui sous-tendait la manifestation était particulièrement palpable au sein des institutions initiatrices. Fortement imbriquées, les œuvres de Julie Favreau et de Patrick Martinez, de Mathieu Beauséjour et de Steven Brower constituaient la métaphore parfaite de l’événement où artistes et œuvres se rencontrent et se contaminent. La tournure de l’événement à Brooklyn différait légèrement de celle de Montréal, comme en témoignent les prochains exemples.

Tribune de la vidéo actuelle, Vidéozones est une compilation assemblée par le collectif La Fabrique d’expositions et Boshko Boskovic. Projetée en ouverture à Manhattan à l’Anthology Film Archives, un lieu dédié aux films et aux vidéos indépendants, expérimentaux et avant-gardistes, cette œuvre à l’enchaînement rigoureux a permis aux artistes vidéastes de s’inscrire au sein d’un lieu mythique en profitant de conditions de présentation optimales pour l’observation. Ce désir d’ennoblissement était aussi présent au Smack Mellon, où Aude Moreau avait choisi de proposer un tout autre registre que celui présenté au MACM. Déployant, dans l’espace industriel, un immense tapis persan construit à partir de deux tonnes de sucre blanc raffiné, l’installation spectaculaire et éphémère Sugar Carpetséduit. Bien que cette œuvre ait déjà été présentée à quelques reprises, elle prend une nouvelle apparence au sein de cette ancienne chaudière, les colonnes qui la ceinturent la rendant encore plus majestueuse. Par cette création en trompe-l’œil, Moreau livre une réflexion sur l’industrie de l’art et sur la consommation culturelle. Cette artiste aux idées de grandeur, comme l’ont démontré ses deux œuvres vidéographiques dans le cadre de cet événement, permet d’attiser la curiosité et de mettre l’emphase sur la présence québécoise.

Ici comme ailleurs, les artistes soulèvent des questionnements et ont un intérêt sensible pour la politique, la culture populaire, l’archivage, le paysage et la performance. Cet événement porteur de vision et d’ambition est une initiative louable. Il s’agit d’une amorce qui, comme le témoigne l’inscription de l’installation in situ de Aude Moreau sur la Tour de la bourse à Montréal en 2010, permet aux artistes québécois de SORTIR, de rayonner à l’extérieur des frontières et de s’approprier d’autres espaces culturels de production et de commerce.

Anne Philippon, Aude Moreau
This article also appears in the issue 78 - Hybrid Dance
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