Affinités Électives
Affinités électives, vue d'exposition, Galerie Division, Montréal, 2018.
Photo : Richard-Max Tremblay
Galerie Division, Montréal,
du 8 mars au 17 avril 2018
Dominique Sirois
Les choses modernes ou persistance, détail, 2018.
Photo : Richard-Max Tremblay
[In French]

Découlant d’une invitation carte blanche à la commissaire Aseman Sabet, l’exposition Affinités électives réunit six artistes autour des rapports entre les sciences et les affects. Le projet explore la possibilité d’une alchimie déterminante entre les êtres et les choses, un principe que déploie Goethe en 1809 dans son roman du même titre. Par nature, les affinités peuvent transformer notre relation au passé en générant de nouvelles articulations. Parmi les œuvres réalisées par Louis Bouvier, Grip, une main en bronze, évoque par sa matière noble un vestige de sculpture antique. Elle repose contre la paroi en faux fini d’une structure dont la forme sophistiquée tend vers un mobilier haut de gamme des années 80, et dont les surfaces clinquantes dégagent une allure pop. Les sculptures et dessins hyperréalistes de Bouvier rompent avec les conventions classiques qui divisent l’art, l’artisanat et le design industriel, au profit d’une libre association d’objets issus de différents contextes historiques et artistiques. Ce bousculement des hiérarchies se manifeste aussi dans les œuvres de Mathieu Latulippe, notamment Alpha Aura, présentant une bouteille de parfum aux phéromones dans un présentoir vitré, ou Mr. Newman, un assemblage de modèles anatomiques d’organes. L’attention est ici portée avec un humour grinçant sur les progrès — potentiellement nuisibles — de la science, et sur la commercialisation d’une utopie fondée sur les modifications génétiques et les promesses illusoires des nouvelles technologies.


Les sculptures de Dominique Sirois, dont certains fragments en porcelaine émaillée évoquent des disques durs qui semblent avoir fondu sur des surfaces rocheuses, embrassent parfaitement la tension entre science et sensibilité. Les objets aux propriétés hybrides qui composent Les choses modernes ou persistance et Sous verre sous terre, semblables à des ruines, ouvrent à une réflexion sur l’utilisation de minéraux dans les appareils informatiques. Ce regard sur la matière et sa fragilité survient également dans le travail de Jean-Pierre Gauthier qui, comme Sirois, souligne l’obsolescence de l’objet technologique en s’interrogeant sur sa résistance au temps : un moulage en savon usé, flétri, qui emprunte la forme de l’ancien ordinateur de l’artiste, est disposé sur un meuble de laboratoire. Par un dispositif automatique, Gauthier inflige à cette masse, vieille de vingt ans, le supplice de la goutte, provoquant son autodégénération graduelle. La matière semble ainsi acquérir une mémoire, une sensibilité et une dimension anthropomorphique en contraste avec ce qu’elle constitue. L’œuvre Tube de Michel de Broin, un grand cylindre de plâtre reposant sur une civière tel un corps malade, renforce un peu plus cette ambivalence entre l’objet fonctionnel et le corps sensible.

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This article also appears in the issue 94 - Labour
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