« Les drames qui convenaient à des sujets ne sont plus bons pour des citoyens »

Josiane Boulad-Ayoub

[In French]

Reprise comme titre pour les besoins de cet article, cette affirmation du journaliste Amaury Duval, alias Polyscope, est centrale à son projet révolutionnaire de « théâtre pour le peuple ». Ce projet est mis de l’avant en 1796 dans la mouvance du grand élan pour « régénérer les Français » et fortifier « l’esprit public », caractéristique du Directoire. Le gouvernement au sein duquel prédominent les Idéologues, ce groupe d’intellectuels qui sont aussi des hommes d’action, coïncidence assez rare dans l’Histoire pour le souligner, veut apposer le point final aux excès de la Terreur en même temps que concrétiser, dans les pratiques sociales et les institutions, les idéaux démocratiques de la Révolution.

J’ai pensé tout de suite à ce projet du critique théâtral attitré de La Décade philosophique, politique et littéraire, le journal qui paraît tous les dix jours- de là son nom emprunté au calendrier révolutionnaire – de 1794 à 1807, et qui est le foyer de propagation des idées des Idéologues, dès qu’on m’a parlé du numéro de esse consacré à l’élaboration d’une notion élargie de citoyen englobant la relation avec l’acte artistique et la participation au processus de l’œuvre. Une sorte de mimésisconceptuelle et politique semble prendre le relais dans les pages de ce numéro consacré à une réévaluation de l’activité citoyenne et de la participation démocratique, du débat engendré par les thèses de Polyscope, près de deux cents ans plus tôt, à l’aube de notre modernité.

Les arguments de Polyscope sont immédiatement critiqués au sein de la même Décade par nul autre que Jean-Baptiste Say, alias Boniface Véridick, lecélèbre futur économiste, lecteur de Smith, et qui deviendra l’ancêtre du libéralisme tel que nous le connaissons.

Avant de donner ici, au bénéfice des lecteurs, quelques extraits parmi les plus savoureux de l’échange Duval-Say, toujours actuel, autour de ce projet de théâtre pour le peuple, quelques mots sur le contexte politique et philosophique du débat ne seront pas de trop pour mieux l’éclairer. Ce qui est en jeu est avant tout une définition du citoyen et de son éducation à la démocratie. Au passage les arguments vont toucher au statut politique des spectacles ainsi qu’à une valeur émergente et toute puissante dans le glissement vers la prévalence de l’homo œconomicus sur l’artifex ou le politicus : le travail.

Au moment où se succèdent les arrêtés du gouvernement concernant la police des spectacles et les dispositions prises pour contrôler et faire arrêter « tous ceux qui dans les spectacles appelleraient par leurs discours le retour de la royauté, provoqueraient l’anéantissement du corps législatif ou du pouvoir exécutif, exciteraient le peuple à la révolte, etc. » (Arrêté du 27 nivôse an IV [janvier 1796] sur les spectacles), Polyscope affirme positivement ce qui est à l’avantage du peuple dans une république digne de ce nom : l’instruction pour tous, sous forme plaisante. Ainsi tout le monde pourra acquérir tout en se divertissant « les principes de la morale et de la politique » en allant au théâtre, sans compter que ces lieux ne seront plus réservés à quelques privilégiés de la fortune ou de la naissance.

Un deuxième argument a trait au contenu des spectacles et à ce qui doit former le répertoire d’un théâtre du peuple. Sous un gouvernement libre, tragédies, comédies, opéras, doivent montrer à l’envie comment le gouvernement républicain est le seul régime au sein duquel le citoyen peut se développer pleinement et le mieux « employer sa vie ».

Le troisième argument avancé par Polyscope rejoint encore plus directement les visées des rédacteurs de esse. Il s’agit de la désignation des acteurs. Ils devraient être choisis, selon Duval, par un jury populaire, pendant que les meilleures places seraient réservées aux vieillards et aux enfants.

Ce projet de théâtre « moral et philosophique » s’attire immédiatement les foudres de Jean-Baptiste Say, rédacteur comme Duval, à la Décade et l’un des « auteurs-fondateurs » de ce dynamique journal. Say qui participera plus tard, avec sa fable Olbie, au concours ouvert par l’Institut sur les meilleurs moyens de transformer les mœurs d’un peuple – il plaidera pour rendre la vertu profitable – est, malgré les apparences, tout aussi préoccupé du bien public et d’exciter l’amour de la patrie et de la démocratie que son ami et collègue Duval. Ce qui les oppose est tout à la fois une question d’ordre pédagogique et une conception du citoyen comme de la nature de sa contribution à l’affermissement de l’esprit public. Si tous deux sont désireux de faire s’accorder les mœurs et les pratiques avec le régime républicain, si tous deux appellent de leurs vœux le passage rapide de l’état de sujet à l’état de citoyen, les représentations qui commandent leurs positions respectives s’alimentent à des modèles symboliques différents. Duval participe davantage d’une conception à l’antique de la liberté et des rapports sociaux plus égalitaires alors que Say, son pseudonyme Véridick l’indique d’emblée, relève davantage dans son argumentation de la liberté des modernes et des leçons à retirer de la nouvelle discipline-pilote et de la nouvelle référence majeure : l’économie politique combinée à la lecture-appropriation d’Adam Smith. Ce que Say vise avant tout pour ses concitoyens c’est, comme l’exprime très bien la note finale à sa réplique, d’atteindre à « une vie confortable », c’est-à-dire à une honnête aisance, seul terrain solide sur lequel bâtir la prospérité publique, un système de morale et un bonheur pratique. Mes amis, dit-il « mettez ce mot [confortable] dans votre dictionnaire, et puissiez-vous posséder tout ce qu’il exprime ».

La morale capitaliste et l’exaltation du travail s’affrontent ainsi, depuis lors et jusqu’à maintenant, à un doux idéal libertaire et égalitaire un peu fantasmagorique, pénétré d’un républicanisme universel. Say prône, au nom de la patrie, le perfectionnement de l’agriculture et de tous les métiers utiles plutôt que d’encourager le peuple à perdre son temps au spectacle. Il dénie vigoureusement que le théâtre soit une école de politique, réduisant d’ailleurs le rôle de citoyen à celui d’électeur, et arguant du fait que l’école la plus utile à la vie démocratique demeure celle de la profession et du perfectionnement de sa profession. A la fonction politique que joueraient les spectacles selon la conception des Grecs ou des Romains, Say oppose la fonction, tout ensemble philosophique, morale et politique, que jouent dans un État moderne le commerce, l’industrie et l’agriculture, en somme toutes les activités susceptibles d’instituer pour tous une vie indépendante, sûre et, derechef, confortable. Mais pour cela il faut que le fainéant, l’oisif, disparaisse et que l’art soit cantonné à meubler l’imaginaire et à adoucir les mœurs. D’un mot la figure idéale du citoyen qui commence alors à s’imposer, et que consacrent aujourd’hui tant le retrait de l’État que les phénomènes liés à la mondialisation, est celui du travailleur docile et productif.

Si la « République n’avait pas besoin de savants », au temps des farouches Montagnards, elle se passera, au temps de l’industrieux Directoire, comme alternativement – qui le sait? – en notre temps d’égoïstes, d’indifférents et de démagogues, de théâtres pour le peuple ! Mais à quel prix pourra-t-elle se passer de citoyens intégrant dynamiquement et créativement l’état d’artistes?

***

Les Idéologues ont été les créateurs (littéralement) des institutions culturelles démocratiques. Il sont été aussi les premiers à envisager toute l’importance des institutions culturelles pour matérialiser leurs idées et former « un nouveau peuple ». C’est en ce sens qu’ils ont fondé le système d’éducation public en France, réglementé les spectacles et démocratisé leur accès, fondé l’Institut, les Écoles normales, centrales et spécialisées, etc. Leur conception pour former un citoyen et lui donner des habitudes démocratiques reposait au premier chef sur l’éducation. Ce qui est en jeu dans le débat que je présente est, d’une part, l’idée défendue par Duval d’un théâtre pour le peuple, c’est-à-dire d’un théâtre pris comme moyen d’instruction pour instruire le peuple des valeurs républicaines, et, d’autre part, Say, annonçant déjà la société libérale et le capitalisme, qui tient que le meilleur moyen pour le peuple de s’instruire est de faire bien son travail propre.

Les Idéologues, s’ils sont bien à la source de nos discussions actuelles sur la liberté, les institutions culturelles, l’esprit public et le citoyen, ne songent aucunement à la participation du public au processus créateur. Ils se bornent dans l’art révolutionnaire, que certains d’entre eux prônent, à exalter un art républicain et excitant la vertu, en somme pour eux instructif et engagé, pour affermir chez leurs concitoyens l’amour de la République, de la liberté et de l’égalité. Mais ils en sont encore à la division du travail, et l’idée d’une participation d’un non-artiste au processus créateur leur est tout à fait étrangère.

Pour en revenir à une notion de citoyen qui ne se cantonnerait pas à celle de simple électeur, je pense avec Foucault et Gramsci que la notion d’intellectuel organique, agissant dans son milieu au sein de relations de pouvoir qui se disséminent partout, est encore largement exploitable par tous ceux qui veulent accorder théorie et pratique. Par ailleurs, je mise personnellement encore et encore sur l’éducation et la sensibilisation par le biais de forums divers, à l’approfondissement – plus encore que l’élargissement- de la notion de citoyen. Celle-ci doit comprendre, à titre de régulateur de ses pratiques, le souci de faire passer l’intérêt général sur les intérêts particuliers.

Je ne sais si aujourd’hui il y a distorsion de la notion de citoyen. Celle-ci doit se construire sans cesse, et ce titre se conquérir tous les jours.

Quant à comprendre les institutions culturelles comme des institutions politiques, il me semble que depuis les Idéologues justement, on a accepté cette idée, et on l’a beaucoup exploitée. Défendre la thèse de la citoyenneté culturelle est très louable et ne peut que secouer les gens de leur torpeur politique se confondant avec le « confort » que Say souhaitait à ses concitoyens.

***

Polyscope aux Auteurs de la Décade : Projet d’un théâtre pour le Peuple

Décade, 8e Vol. , n°68, 10 mars 1796 (20 ventôse an IV),
Section Instruction publique, 2e trim. , p.466-472

Si vous trouvez, dans un état, grand nombre d’établissements formés à l’avantage ou destinés aux plaisirs du peuple entier et non de quelque portion du peuple, dites c’est ici une république.

Les Français ne peuvent jouir encore des fruits de la révolution qu’ils ont faite. 11 fallait d’abord au milieu des obstacles sans cesse renaissants, asseoir, organiser un gouvernement. […]

Ne serait-il point pourtant quelque établissement utile dont on pourrait, en attendant, jeter au moins les bases ? Pourquoi, par exemple, ne verrions-nous pas, dès à présent, un théâtre pour le peuple, dans une ville où nous en avons plus de vingt qui sont inutiles, pour ne pas dire nuisibles au peuple ? – Je placerais ce théâtre dans la ville centrale, dans la ville de la République : (c’est de l’un de ces deux noms que je voudrais qu’on appelait Paris : et en effet, tant que le gouvernement y sera, cette ville appartiendra à toute la république). Le peuple a le plus grand besoin d’instruction; voilà ce que tout le monde s’accorde à dire. Mais ce n’est pas assez de fonder des écoles publiques où nos enfants iront apprendre les lettres et les sciences; je veux aussi des écoles pour les grands enfants; pour ceux à qui leur fortune ou les circonstances n’ont pas permis d’acquérir les principes de la morale et de la politique. Or, où pourront-ils mieux s’en instruire que dans les théâtres ? C’est là qu’on les attirera par l’appas du plaisir […].

Que sont aujourd’hui nos spectacles ? Ce qu’ils étaient sous l’ancien régime, des écoles de mauvaises mœurs; ou, ce qui revient à peu près au même, on y retrouve encore la peinture des mœurs d’une monarchie. On nous offre toujours des pères ou des tuteurs dupés, des soubrettes complaisantes, des valets qu’on avilit, qu’on bat, dont l’unique métier paraît être de voler et de faire rire. […] C’est ainsi que nulle part le peuple ne peut trouver un spectacle qui l’instruise en l’amusant.[…]

Il est temps de présenter aux Français, puisqu’on veut les régénérer, des compositions plus raisonnables et plus utiles. – Les drames qui convenaient à des sujets ne sont plus bons pour des citoyens. Si le peuple doit avoir un théâtre, iI lui faut aussi des pièces.

Je veux des tragédies où il puisse observer tous les ressorts que fait jouer l’ambition, la plus tyrannique passion de l’homme, après l’amour; ou ̀on lui apprenne comment un citoyen adroit, à qui sa richesse donne trop d’influence dans une république, peut, comme César, s’emparer par degrés de l’esprit de la multitude et bientôt renverser un gouvernement libre; des tragédies où il assiste aux délibérations des gouvernants, sur la meilleure méthode d’administrer l’État; où on lui retrace les grandes actions des braves qui ne sont plus, et des caractères fermes, héroïques, et de grandes passions, de grandes vertus, de grandes fautes, de grands supplices. […]

Je veux des pièces comiques, où le peuple vienne, non pas sourire, mais bien franchement rire, rire aux éclats des mille et un ridicules de chaque classe de la société; où on lui dénonce les friponneries de certains officiers publics, la morgue de quelques autres, l’audace de ces présomptueux qui sans véritables talents, voudraient s’élever au-dessus de leurs concitoyens; où l’on peigne bien fidèlement et les charlatans, et les intrigants, et les nouveaux Alcibiade et les Aspasie du jour. […] Croit-on avoir fait une pièce patriotique, parce que l’on aura intercalé avec effort dans quelques scènes, de longues tirades en faveur de la république? Parce que tous les acteurs (froids comme quand ils chantent par ordre des airs civiques) seront obligés de crier l’un après l’autre : vive la liberté ! – Eh ! Prouvez dans vos pièces, non par des phrases, mais par des faits, que le gouvernement où l’homme peut le mieux développer toutes ses facultés, le mieux employer sa vie, est le gouvernement républicain. Que ce principe de toute vérité, sorte du sujet même; qu’il en soit une conséquence certaine, indisputable.

Quoi! Ne serait-il point de poètes dignes de travailler pour le peuple, capables de composer de bonnes et nombreuses pièces nationales ? Oh ! J’en connais plus d’un . […] Répandez dans vos pièces, les sentiments honnêtes et patriotiques qui sont dans vos âmes : écrivez, non pour plaire au gouvernement, mais pour l’utilité de vos concitoyens, et pour la gloire.

Sans doute, on ne verrait jamais paraître au théâtre du peuple, ces merveilleuses en perruques de toutes couleurs; ces jeunes gens dont on a peine à deviner le sexe; tous ces êtres dégradés, à qui le mot de citoyens donne des nausées, et qui ne seront en effet jamais dignes de le porter. […] Ce n’est pas pour des êtres de cette espèce que je demande un théâtre moral et philosophique; ce n’est pas pour eux que je stimule le patriotisme, et tâche d’embraser la verve de mes amis.

Boniface Véridick à Polyscope, sur son projet de théâtre pour le peuple

Décade, 9e Vol. , n° 70, 30 mors 1796 (10 germinal an IV), Section Mélanges, 3e trim. , p. 38-44.

Ho! pour le coup, mon cher Polyscope, je ne saurais partager votre opinion.Vous avez, je n’en disconviens pas, ouvert, dans la Décade philosophique, une foule d’avis favorables au bien public; vous avez frondé plusieurs ridicules déshonorants pour l’espèce humaine,et donné d’excellentes idées relativement aux beaux-arts; mais je n’approuve pas votre théâtre pour le peuple.

Au nom de la patrie, cultivons la terre, perfectionnons les arts utiles, tenons une conduite rangée, et allons rarement, très rarement au spectacle. Vous avez beau dire, l’instruction qu’on y trouve ne paye pas le temps qu’on y perd, et je pense, moi, que depuis la révolution, le goût s’en est beaucoup trop répandu chez toutes les classes du peuple. Nos loges et nos parquets n’offrent maintenant que des filles de boutiques, des blanchisseuses, des garçons serruriers ou des forts de la halle, qui viennent y perdre leur temps, et quelquefois y étaler leurs bijoux. Il n’est pas jusqu’à une pauvre domestique que j’avais tirée des champs dans l’espérance que sa conduite en serait plus simple et plus unie, qui ne se soit dissipée au point qu’elle n’était pas contente si elle n’allait pas à l’Opéra deux fois par décade; tellement que lui voyant ce goût décidé pour les arts, et m’apercevant d’ailleurs que ma cuisine était faite négligemment, et ma chambre plus malpropre que jadis sa basse-cour, j’ai été obligé dela prier d’aller chercher du service chez Armide ou chez Iphigénie.

Vous dites, mon cher Polyscope, que ce n’est point assez des écoles où l’on instruira nos enfants; qu’il en faut encore pour les grands enfants, pour ceux à qui leur fortune ou les circonstances n’ont pas permis d’apprendre les principes de la morale et de la politique. – Distinguons, précisons nos idées.Il a beaucoup de grands ignorants sans doute; il y a beaucoup d’éducations négligées; les trois quarts des habitants de nos pays, soit disant policés, ne savent ni lire, ni écrire, j’en conviens; mais, quelle est l’instruction qu’il leur faut ? II me semble que c’est d’abord celle qui les rendra plus habiles dans leur profession quelle qu’elle soit; plus ils feront d’ouvrage, plus leur ouvrage sera parfait, et plus ils seront à leur aise eux et leur famille, plus la patrie s’enrichira de leurs travaux. Et où apprendront-ils cela ? Chez eux, s’ils sont assidus et laborieux, et point du tout au spectacle. – Il faut ensuite qu’ils sachent écrire et compter pour tenir en ordre leurs petites affaires, et savoir, au besoin, écrire une lettre ou dresser un mémoire. Assurément, le spectacle ne leur enseignera point ces choses-là. […]

Où nos concitoyens apprendront-ils la politique, ajoutez-vous ? Mais quels sont les talents politiques nécessaires aux quatre-vingt-dix-neuf centièmes de la nation ? C’est de faire, une fois tous les ans, de bons choix d’électeurs : hé! qu’ils choisissent autour d’eux des hommes de bons sens, de probité, amis du gouvernement républicain, je ne leur en demande pas davantage; voilà tout le talent politique dont la patrie a besoin; et dans une société peu nombreuse de gens estimables, ils en apprendront certainement encore beaucoup plus, à cet égard qu’au spectacle. […]

À quoi donc les theâtres sont-ils bons ? À répandre le bon goût dans les arts et la littérature, et à adoucir les mœurs. Nous devons en conserver, comme nous ferons des statuaires et des peintres, pour embellir notre pays et l’imagination, de ses habitants. Nous devons encourager les uns et les autres à nous offrir des objets dignes de la majesté d’un grand peuple, et capables de lui faire aimer ses lois et sa patrie; et en cela, mon cher Polyscope, nous sommes entièrement d’accord; mais que notre gouvernement ne soit jamais directeur de troupe; point de théâtres nationaux, point de théâtres pour le peuple. […]

Voici à peu près comme je me figure cet état de perfectionnement et de bonheur dans un grand État moderne, tel que la France, par exemple.

Je veux d’abord que la paix l’habite, qu’une confiance réciproque, une bienveillance générale, unisse tous ses citoyens; je veux qu’un gouvernement ferme garantisse au dehors leur indépendance, et leur sûreté au-dedans. Je veux que l’agriculture et tous les genres d’industrie, y soient dans la plus brillante activité; que des ports de mer remplis de navires, des canauxet de rivières couverts de bateaux, des marchés propres et bien approvisionnés, offrent l’aspect de l’abondance. […] Je veux en un mot, que dans cette grande république, il n’y ait pas un fainéant, dont l’existence improductive soit un fardeau pour la société, pas un misérable qui puisse se plaindre de n’avoir pu, avec du travail et de la bonne conduite, gagner une subsistance facile, et mener une vie que les Anglais appelleraient confortable. […]

Josiane Boulad-Ayoub
This article also appears in the issue 48 - Citoyen volontaire
Discover

Suggested Reading