Des images qui valent plus de mille mots

Sylvette Babin

[In French]

esse a vingt ans. Nous le soulignions dans le numéro précédent – 20 ans d’engagement, premier numéro d'une trilogie anniversaire (passé, présent, futur) – un dossier qui commémorait l’implication culturelle et sociale de la revue tout au long de son parcours. Le numéro actuel cherche aussi à poser un regard engagé sur la société, à travers des productions artistiques actuelles. Pour ce faire, nous tentons une nouvelle approche, qui est de mettre directement en pratique la thématique abordée. Ainsi, plutôt que d'analyser certains dispositifs sociaux, ou les différentes stratégies qu'utilisent les créateurs et citoyens pour exprimer leur engagement, nous transformons nos pages en zones d'action où seront mis en œuvre ces dispositifs. Du commentaire social propose, entre autres, des réflexions sur la citoyenneté, la vie civique, l'espace communautaire, les relations humaines, le statut social, l’état du monde, et cette fois, ce sont les artistes qui se prononcent sur le sujet.

Les artistes sont la matière première d’une revue d’art, ceux sur qui les auteurs appuient leurs recherches, ceux dont les œuvres visuelles génèrent des œuvres écrites. À leur tour, nous avons voulu leur offrir la parole. C’est parce qu’ils savent aussi dire les choses sans passer par les mots que nous avons osé mettre de côté notre mandat théorique et littéraire pour concevoir ce numéro entièrement visuel. L’idée n’est pas étrangère à esse, qui reprend ici la proposition d’un numéro hors série paru en 1986, qui offrait «une revue à l’envers» en publiant des propositions de couvertures créées par des artistes, tandis que l’éditorial pouvait être lu… en page couverture.

Carte blanche a donc été donnée à une quarantaine d’artistes, pour soulever un commentaire dans une œuvre créée spécifiquement pour esse. Ils sont majoritairement du Québec mais quelques-uns viennent du Canada et de l’étranger. Ils sont majoritairement de la relève mais quelques-uns poursuivent une pratique depuis plusieurs années. Certains font aussi partie de l’équipe de esse, qui tient à rappeler que ce sont aussi des artistes qui produisent cette revue – depuis vingt ans, une revue créée par et pour des artistes.

On dit qu’une image vaut 1000 mots. Pourtant, il se trouve peu d’œuvres d’art, en revue ou en galerie, qui ne soient accompagnées d’analyses, de références ou de directives. Nulle intention ici de juger de ce fait qui est aussi, malgré tout, notre leitmotiv éditorial. Nous avons plutôt voulu proposer une avenue différente, tenter de (ré)explorer le potentiel qu’ont les images à nous mener vers un questionnement sur le monde dans lequel nous vivons. Sans autre indication ou référence que son titre, chacune des œuvres, ou chacun des commentaires proposés par les artistes, cède la place à une relecture par celui qui regarde. Le texte n’est toutefois pas totalement exclu de ces projets, puisque certains artistes ont choisi des approches conceptuelles où les mots sont évocateurs d’idées ou des éléments poétiques plutôt que des outils d’analyse.

C’est donc à l’art que ce numéro est dédié, à l’art et à son pouvoir de générer à la fois des prises de conscience sociales et des espaces poétiques protégés.

Sylvette Babin
This article also appears in the issue 52 - Du commentaire social
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