Actions réciproques

Sylvette Babin
Le dossier « Actions réciproques » propose une réflexion où se chevauchent l’interactivité, qui renvoie surtout à la relation entre individu et machine – notamment dans des œuvres technologiques nécessitant la participation du spectateur – et l’interaction, qui appelle plutôt une relation entre individus, ici entre l’artiste et les membres du public. Dans les deux cas, nous pourrions solliciter le néologisme « spec-acteur » qui, malgré un usage parfois arbitraire, soulève justement cette question de participation active dans les pratiques artistiques contemporaines. Cet aspect participatif, qui ne date pas d’hier, mérite encore d’être ­questionné, non seulement dans ses modalités constitutives, mais aussi en ce qui concerne son efficience réelle quant à l’ouverture souhaitée sur l’autre. 

D’entrée de jeu, la proposition lancée aux auteurs a pris la forme d’une série de questions qui en ont inspiré plusieurs. En voici quelques exemples. L’interface de la technologie est-elle devenue nécessaire pour aborder l’interactivité ? Comment départir le rôle de l’artiste de celui du participant ou de l’œuvre elle-même ? Comment doit-on repenser la sphère publique, voire celle de l’intersubjectivité, sous l’emprise de la technique ? L’image est-elle une entité active ou passive, ­réceptacle du regard ou vecteur d’assujettissement ? Peut-elle être saisie en tant qu’entité pragmatique, c’est-à-dire en tant que sujet d’une action ­réciproque ? Que signifie « participer » dans une société du ­spectacle ? La sphère des actions réciproques déborde-t-elle de la sphère de la ­représentation ? L’art contemporain a-t-il su renouveler l’action ­réciproque en tant qu’action politique effective ? 

Volontairement ouvert sur différents points de vue, le dossier tente de répondre à l’une ou l’autre de ces interrogations. On y retrouve, par exemple, des réflexions sur des stratégies dites relationnelles, des ­questionnements sur le sens même du terme interactivité ou sur son utilisation parfois inadéquate, ainsi que des analyses de différentes ­pratiques dans les arts médiatiques et l’art web. On y aborde ­également des types de participation plus indirects ou symboliques, dont ceux utilisant le miroir et la réflexion comme forme « d’engagement » avec le ­spectateur. Que les pratiques étudiées dans ces pages soient ­interactives ou interactionnelles, une certaine constante semble se ­dessiner quant au désir de développer un art moins autarcique. Il s’agit bien là, d’ailleurs, de l’objectif principal des actions réciproques. Quant à savoir si les dispositifs dits interactifs laissent vraiment au public la possibilité d’interagir avec l’œuvre, voire de la modifier, ou si les œuvres interactionnelles ouvrent réellement, entre l’artiste et le ­spectateur, des zones d’échanges signifiantes, la question demeure ouverte.

Sylvette Babin
Cet article parait également dans le numéro 63 - Actions réciproques
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