Sur les bords du monde : Férales, fières & farouches

Marie Pleintel
Fonds régional d’art contemporain Alsace, Sélestat
du 1er juillet au 19 novembre 2023
Katrin-Gattinger-Anna-Guilló_PlanBAnimal
Katrin Gattinger & Anna GuillóPlan B Animal, vue d’installation, Fonds régional d’art contemporain Alsace, Sélestat, 2023.
Photos : Pierre Rich, permission du Fonds régional d’art contemporain Alsace, Sélestat
Fonds régional d’art contemporain Alsace, Sélestat
du 1er juillet au 19 novembre 2023
L’exposition collective Sur les bords du monde, commissariée par Felizitas Diering et François Génot, s’ouvre sur deux œuvres : de grandes lettres majuscules qui scandent des chants d’oiseaux sur un angle du bâtiment (Onomatopées, Claudie Hunzinger, 2023), puis, à l’entrée, un long texte impossible à défricher dont les caractères se révèlent être des sections de branches de marronnier, choisies pour la forme et la multiplicité de leurs ramifications (La piste, François Génot, 2017). Ces œuvres, qui nous accueillent à l’extérieur puis à l’intérieur du Frac Alsace et forcent notre attention, utilisent pourtant un langage qui ne nous est pas compréhensible. Est posé d’emblée le propos de l’exposition, remarquable par sa délicatesse et sa puissance : mettre l’être humain en retrait, observer d’autres formes de vie, sauvages, pour se laisser enseigner et transformer par elles.

Le pistage est un mode d’enquête adopté par plusieurs artistes. Pour Plan B Animal (2023), Katrin Gattinger et Anna Guilló ont recensé, dans un milieu forestier et agricole dont la localisation est gardée secrète, les lieux portant la trace d’activités animales ou humaines. Une cartographie à la légende inhabituelle, associée à de très beaux dessins d’observation, donne à voir les doubles usages d’un même territoire, avec les interactions recherchées ou fuies. Les emplacements des « terriers », des « zones de frottement » ou encore des « jacuzzis à sangliers » composent avec le tracé de « routes », de « canaux » et de « lignes électriques ». Les « dégâts sur les cultures » s’observent en lisière de « forêt », au pied des « miradors de chasse ». Le réseau dense et complexe formé par les indicateurs de présence animale entre les lignes artificielles révèle un monde intensément vivant devant jouer de discrétion. L’exposition mêle agréablement deux approches – des œuvres au format documentaire, voire volontiers didactique, et d’autres plus poétiques ou formelles –, toutes d’une extrême sensibilité. Ainsi, Suzanne Husky présente le très puissant film Le son d’une nouvelle cascade (2022), où la naturaliste Patti Smith témoigne de sa relation affective et personnelle avec les castors, accompagné d’une aquarelle décrivant le pouvoir régénérateur de leurs barrages sur un environnement dégradé et la possible transmission de cette pratique du castor à l’être humain. Ce travail clairement militant voisine avec une installation minimaliste et énigmatique : Home Is a Foreign Place (2016) de Sandra Knecht, double ruche destinée originellement à l’élevage des abeilles et contenant, d’un côté, un nid de guêpes et, de l’autre, un stock de miel en rayon.

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Cet article parait également dans le numéro 110 - Agriculture
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