Mathieu Beauséjour, Kings and Queens of Québec
Du 9 octobre au 27 novembre 2014

Photo : © Mathieu Beauséjour
Du 9 octobre au 27 novembre 2014
Kings and Queens of Québec séduit tant par la précision et le minimalisme esthétique qui caractérisent le travail de Mathieu Beauséjour que par l’ironie développée dans cet examen habile de la dualité de l’identité québécoise et de ses représentants politiques. Réactualisée par le centre d’artistes Verticale et la commissaire Dominique Sirois-Rouleau, la pièce qui avait d’abord été présentée dans la chapelle de Reims en 2008 – lieu historique du couronnement des rois français – prend désormais place à l’Hôtel de ville de Laval.
L’installation remet au goût du jour les portraits des souverains ayant orné la monnaie canadienne au fil des siècles. Selon Beauséjour, « l’argent est beau tout en étant porteur de certaines inégalités et de jeux d’autorité ». L’agencement établi dans ce travail exprime en partie ces dissonances. Les emblèmes culturels monétaires se succèdent sur douze plaques de plexiglass disposées en deux arcs de cercle dans le hall d’entrée du bâtiment municipal. Le montage éditorial fait alors apparaitre l’œuvre tels des piliers monumentaux au sein d’une architecture plutôt banale.
Kings and Queens of Québec se présente comme une composition anachronique qui invite à réfléchir sur les rapports entre le pouvoir et l’argent, et particulièrement sur les symboles qui sont porteurs de la longévité de ces prescriptions. Le contexte non muséal permet, à cette occasion, d’étoffer le discours de l’œuvre, qui associe les enjeux économiques et la confrontation des égos des défunts monarques à ceux des acteurs du pouvoir actuel.

Vue d’exposition, Kings and Queens of Québec, Hôtel de ville de Laval, 2014.
Photo : Alexis Bellavance
Plus qu’une réflexion sur la culture politique de la province, la réactualisation de l’œuvre par l’artiste et la commissaire permet son accessibilité à un nouveau public. Ces portraits, outils de propagande par excellence, deviennent ici des miroirs pièges dans lesquels le spectateur, de par son reflet, s’y trouve associé malgré lui. L’expérience esthétique proposée par Beauséjour est donc intrinsèquement liée à une démarche situationnelle qui interroge par la même occasion les espaces possibles de la démocratisation de l’art. En étant réactivée à l’extérieur du « monde de l’art », l’installation interroge ainsi les rapports entre auteur et récepteur. De même, la cohabitation de ce contexte spécifique avec les distorsions sémiologiques des portraits, invite à s’interroger sur les possibles réalisations et expressions des contre-pouvoirs en suspens dans la société.
En définitive, Kings and Queens of Québec pose la question suivante : quelle est la portée politique éventuelle de l’art à l’extérieur de son propre domaine ? Autrement dit, l’art peut-il effectivement influencer les situations politiques à venir ?