Laurent Grasso
Uraniborg

Vanessa Morisset
Jeu de Paume, Paris,
du 22 mai au 23 septembre 2012
Musée d’art contemporain,Montréal,
du 7 février au 28 avril 2013
Laurent GrassoThe Silent Movie, 2010. © Laurent Grasso / ADAGP, Paris, 2012
Photo : Florian Kleinefenn, permission de la Galerie chez Valentin, Paris
Dans un numéro thématique sur la peur (esse n° 61, automne 2007), j’avais rédigé un essai sur Laurent Grasso intitulé Une nouvelle méthode paranoïaque-critique. Aujourd’hui, son exposition intitulée Uraniborg à la Galerie nationale du Jeu de Paume à Paris et au Musée d’art contemporain de Montréal, offre l’occasion de revenir sur le travail de cet artiste.

Comme pour chacune de ses expositions, Laurent Grasso porte une grande attention à la scénographie comme contexte de monstration de ses œuvres qu’il présente au sein de dispositifs qui mettent en abyme leurs significations. Dans Uraniborg, avec la création de petits espaces cloisonnés, desservis par un couloir percé de fenêtres, l’accent est mis sur la question de la visibilité. Une œuvre en néon énonçant Visibility is a trap thématise d’ailleurs explicitement cette problématique qui fédère d’autres aspects présents depuis longtemps dans son travail.

On retrouve le thème de la paranoïa, point de départ du texte de 2007 cité plus haut, dans un film de 2010 intitulé The Silent Movie, qui donne à voir des installations militaires dissimulées près des côtes du sud de l’Espagne. Un sous-marin émergeant à la surface de l’eau incarne parfaitement l’idée d’une présence menaçante cachée. De même, dans Bomarzo, tourné en 2011 dans un jardin du 16e siècle aménagé de sculptures en forme de monstres, ressurgit l’idée selon laquelle des forces surnaturelles agiraient subrepticement autour de nous. Accompagnées d’une bande son digne d’un film de science-fiction, les images suggèrent une puissance inconnue animant les lieux.

Le mélange entre l’irrationnel et la science est aussi de nouveau abondamment traité, comme l’indique le titre même de l’exposition qui évoque le palais où Tycho Brahé avait installé son observatoire. Ayant cherché à concilier la doctrine officielle et les découvertes de son époque, cette grande figure de l’astronomie rappelle que les scientifiques s’appuient sur les croyances pour construire leurs discours. Pour l’exposition, Grasso s’est rendu sur le site et a filmé les traces de la présence du savant, à commencer par une statue commémorative le représentant la tête tournée vers le ciel. Dans un sens proche, Grasso a rassemblé des photographies conservées à l’observatoire du Vatican qui montrent des dignitaires de l’Église se familiarisant avec des télescopes. L’exposition est ponctuée de la sorte par des documents, des photos mais aussi par des ouvrages anciens empruntés à diverses institutions qui procurent une impression d’aller et retour dans le temps, sans pour autant provoquer un sentiment d’étrangeté qui aurait été le bienvenu. Ce type de procédé étant coutumier chez Grasso, tout comme les espaces sombres parsemés de néons, les sons aux limites de l’audition humaine, on ressort de l’exposition avec une idée très claire de son travail, un peu trop peut-être pour un artiste qui interroge la visibilité.

Laurent Grasso, Vanessa Morisset
Cet article parait également dans le numéro 77 - Indignation
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