Je te dis que je suis incapable de clore l’exercice
Claire Savoie

Yann Pocreau
Vox et Musée régional de Rimouski, Montréal et Rimouski, 2008, 117 p.
Aussi délicate que le travail qu’elle contient, cette première ­monographie consacrée au travail de Claire Savoie propose un compte-rendu fort ­pertinent du travail vidéographique et sculptural de l’artiste. Cet ­ouvrage est né du besoin, que l’on qualifie d’essentiel dans son avant-propos, de souligner « la rigueur et [...] la profondeur de la démarche conceptuelle de Claire Savoie, [...] sa sensibilité remarquable et [...] son invention ­poétique ». Fruit d’une collaboration entre le Musée régional de Rimouski et Vox, centre de l’image contemporaine, l’ouvrage répond ­impeccablement à l’attente qu’aura générée sa parution. 

La conception graphique de la plaquette que l’on doit à Dominique Mousseau, semble réfléchie en fonction de l’effective simplicité du travail de Savoie, et surtout lui répond dans son format comme dans l’effet de pureté qui se dégage de sa ligne graphique. Quatre auteurs se penchent sur le travail de l’artiste en y abordant autant d’aspects et d’approches. Bernard Lamarche, qui assure aussi le commissariat de l’exposition ­individuelle présentée à Rimouski en 2007 sous le titre Maintenant, signe le premier texte. Il est question dans celui-ci de la nature indomptable du temps dans le travail de Savoie, de l’intérêt de l’artiste pour le ­glissement, celui du sens, des repères, du son et des subtilités du langage ; il est aussi question d’indétermination voire d’indécidabilité. L’essai de Marie-Josée Jean se fait plus historique. Le texte met en lumière certaines filiations artistiques et théoriques tributaires d’un riche passé conceptuel que, dans son travail, Claire Savoie ne cesse d’actualiser. Une attention toute particulière est portée au projet des date-videos auquel travaille l­’artiste depuis deux ans ; un projet en constant développement composé de vidéos filmées ­quotidiennement sur et dans lesquelles s’entretoisent des textes et des sons. Certaines de ces vidéos composaient l’œuvre 05.02.2006 – 05.02.2007, présentée à Vox en 2007. S’en suit une lecture finement développée à travers la plume remarquable de Jacinto Lageira. Ce dernier ­s’intéresse aux dynamiques perceptuelles et aux images ­mentales que génère le travail de Savoie, ainsi qu’au pouvoir déroutant de la subjectivité dans les œuvres citées. La critique et historienne de l’art Marie-Ève Charron clôt l’exercice. Un dialogue, entrepris entre la critique et l’artiste du 21 mai 8 h 37 au 31 mai 11 h 06, est livré sous forme de dialogue. Les deux correspondantes réagissent aux propos échangés, on y discute notamment de la dimension narrative du travail de l’artiste, notion qu’elle semble tenir volontairement à l’écart. On y dégage des concepts, développe des idées, les détache du travail pour les ramener à leur source, on oblige ici la discussion. La forme est intéressante, on y lit l’artiste ­aborder son propre travail et ce qui s’en échappe, ce qui l’empêche de « clore ­l’exercice ». 

En somme la publication ponctuée de plusieurs images offre un bilan très juste des états du travail de l’artiste, de ses prémices et ­lectures ­possibles, et surtout de ce qu’il tente de repousser un peu plus loin, ­chaque jour.

Claire Savoie, Yann Pocreau
Claire Savoie, Yann Pocreau
Cet article parait également dans le numéro 63 - Actions réciproques
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