Get Hold of This Space : la carte de l’art conceptuel au Canada, 1re partie

Nathalie Desmet
Centre culturel canadien, Paris,
du 7 février au 25 avril 2014
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John Baldessari, I Will Not Make Any More Boring Art, 1971.
photo : permission de la NSCAD University, Fonds de la Mezzanine, Halifax

En dépit de sa récupération supposée par le marché et les institutions, l’art conceptuel fait rarement l’objet d’une exposition à part entière, comme celle que Barbara Fischer et Catherine Bédard proposent au CCC : une exposition sans concession sur l’importance capitale du Canada dans le développement de l’art conceptuel des années 1960 à 1980. Si l’ensemble n’échappe pas à une certaine aridité, liée à l’obligation de présenter les archives et les documents qui ont fait cette histoire, la place dévolue aux expériences artistiques et pédagogiques du Nova Scotia College of Art and Design (NSCAD) d’Halifax met en lumière une dimension de l’art conceptuel rarement présentée et qui mérite le détour. Ainsi, la présentation des Projects Class du professeur et artiste conceptuel David Askevold, de la galerie Anna Leonowens, de la Mezzanine ou de l’atelier lithographique montre combien le projet général de l’école a contribué au développement international de l’art conceptuel. Adoptant notamment une approche pédagogique révolutionnaire, fondée elle-même sur les principes de l’art conceptuel, le NSCAD a contribué à une production artistique entièrement axée sur la constitution d’un solide réseau d’artistes liés par les télécommunications et la poste. Se côtoient ainsi les instructions de réalisation de projets originaux formulées par des artistes habitant souvent hors du Canada (Robert Barry, Sol LeWitt, Douglas Huebler, Lawrence Weiner…), envoyées à l’école et transmises par David Askevold aux étudiants, et le célèbre I Will Not Make Anymore Boring Art de John Baldessari, réalisé par les étudiants pour la Mezzanine alors que Baldessari n’avait pu se déplacer.

L’étage supérieur de l’exposition présente des œuvres et des archives qui montrent en quoi les pratiques des artistes canadiens ont contribué au développement du réseau international de l’art conceptuel. On y découvre le collectif Image Bank, dont l’objectif consiste en la constitution d’un fonds d’images, la « banque », composée d’idées échangées par lettre ; l’International Exchange Directory ; le centre d’artistes Art Metropole, ouvert en 1974 à Toronto par General Idea ; des documents et des objets du Eye Scream Restaurant, ouvert par N.E. Thing Co. en 1977 à Vancouver ; ou encore plusieurs numéros du FILE Magazine de General Idea, une revue qui avait entre autres programmes celui de donner une tribune à la scène artistique canadienne. Des artistes moins connus en France sont aussi exposés, comme Jean-Marie Delavalle et son Projecteur projeté (1974), typique de la tautologie en vogue à l’époque, mais aussi des œuvres plus caractéristiques de la critique institutionnelle, telles que Get Hold of This Space de Gordon Lebredt (1974) ou les photographies de Carole Condé et de Karl Beveridge.

Charles Gagnon, Le son d’un espace, 1968.
photo : permission de la succession de Charles Gagnon
Carole Condé et Karl Beveridge, Cultural Signs: Protest of Bi-centennial Exhibition (Rockefeller Collection) at Whitney Museum, New York, 1975.
photo : permission des artistes
Carole Condé, Gordon Lebredt, Karl Beveridge, Nathalie Desmet
Carole Condé, Gordon Lebredt, Karl Beveridge, Nathalie Desmet
Cet article parait également dans le numéro 81 - Avoir 30 ans
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