Diane Morin
Imbrication (Machine à réduire le temps) 

Aseman Sabet
Centre d’exposition Circa, Montréal,
Du 12 janvier au 16 février 2013
Diane Morin Imbrication (Machine à réduire le temps), Centre d'exposition Circa, 2013.
Photo : permission de l'artiste
Occupant la plus vaste salle du Centre Circa, cette exposition attendue nous invite une fois de plus à entrer dans la pénombre nécessaire au subtil travail de la lumière que Diane Morin perfectionne depuis des années. L’installation met au jour une ingénierie qui échappe à toute tentative de saisie immédiate. 

Au centre de l’espace obscur, sur un mur, sont projetées les ombres d’une série d’arbres pour maquettes, lesquels sont alignés près du sol, fixés sur trois longs rails mécanisés, suivant une cadence qui semble aléatoire. Grâce aux mouvements conjoints de petits faisceaux de lumière disposés le long de cette structure automatisée, les grandes ombres projetées s’animent vivement, rappelant une séquence de film d’animation ou encore la vue latérale d’une route boisée en traveling. Certes, l’oeuvre ne vise pas directement une dimension narrative, et le choix des arbres miniatures ne répond pas à un objectif précis de genre, à savoir le paysage. Il n’en demeure pas moins que l’échelle à laquelle nous confronte cette installation, avec son indéniable force esthétique, et même la position plus contemplative du spectateur devant ces projections furtives et incessamment répétées d’une nature agitée, a certaines consonances romantiques. 

L’ordre mécanique sous-jacent appelle tout autant la curiosité. L’assemblage d’éléments électriques, de rails et du dispositif lumineux, avec ses algorithmes et sa mathématique irrégulière, force une double contemplation, un engagement en quelque sorte bicéphale envers l’oeuvre. Le fait que cette structure automate soit à nu, que l’artiste n’ait pas tenté de la dissimuler pour mettre de l’avant la projection, permet un dialogue visuel et conceptuel entre les différentes composantes de l’installation. Autrement dit, l’attention du spectateur est constamment divisée, passant de l’encodage structurel au contenu graphique dans un aller-retour à travers lequel l’oeuvre est sans cesse réactualisée. Bien que cette Machine à réduire le temps se déploie davantage dans le mouvement et la vitesse, chaque arrêt sur l’image capture un moment de la partition toujours changeante. Le cycle des transformations mécaniques et visuelles crée pourtant un tout cohérent, les différentes parties se répondant instantanément. Les modifications que l’artiste apporte hebdomadairement aux séquences lumineuses, et donc au rythme des ombres, viennent renforcer ce caractère à la fois cyclique et saccadé. À la manière d’un organisme indépendant, l’oeuvre nous met dans l’attente du prochain mouvement et appelle une expérience contemplative qui échappe à tout statisme ; elle est dynamique et se nourrit aussi bien de l’infrastructure que de la métastructure. 

Morin excelle dans la construction de ces objets vivants. À son corpus cinétique raffiné, cette exposition vient ajouter une unité, une rencontre encore plus fluide entre les différents éléments qu’elle fait interagir. Le spectateur devient alors un témoin lié à l’installation, répondant ainsi à la logique articulatoire que met de l’avant ce projet. 

Aseman Sabet, Diane Morin
Cet article parait également dans le numéro 78 - Danse hybride
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