Danièle Méaux
Photographie contemporaine et anthropocène
Landebaëron, 2022, 288 p.

Photo : permission de Filigranes Éditions
Landebaëron, 2022, 288 p.
Dans la continuité de ses précédents ouvrages (Enquêtes : Nouvelles formes de photographie documentaire, Filigranes, 2019, ou encore Géo-Photographies : Une approche renouvelée des territoires, Filigranes, 2017), Danièle Méaux, professeure d’esthétique et sciences de l’art à l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne, poursuit ses recherches sur le potentiel euristique et « transitif » de la photographie contemporaine.
Son dernier livre, intitulé Photographie contemporaine et anthropocène, se concentre sur l’étude de différentes œuvres de photographes engagés dans une réflexion critique sur l’anthropocène. Popularisé dans les années 2000 par le météorologue et chimiste de l’atmosphère Paul Crutzen, ce terme désigne la nouvelle époque géologique dans laquelle nous sommes entré·es, qui se caractérise par l’impact irréversible et profond des activités humaines et industrielles sur l’écosystème terrestre.

Image tirée du projet Désidération, 2017-2021 (p. 43).
Photo : permission de l’artiste
Dans ce contexte d’urgence climatique qui voit progressivement notre existence en tant qu’espèce menacée, nombreux et nombreuses en effet sont les artistes et en particulier les photographes à s’être emparé·es de cette question liée à l’écologie, à la science et à la politique. Bien que la notion d’anthropocène issue des sciences naturelles ait fait l’objet de nombreuses controverses ces dernières années (certain·es auteur·es importants en sciences sociales, comme Jason W. Moore ou Andreas Malm, lui préférant celle plus pertinente et politique de capitalocène), l’auteure du livre considère que ce terme présente l’avantage de « traduire l’amplitude d’un phénomène et l’intensité d’un malaise bien partagé ». Sans prétendre couvrir tous les aspects de cette question à travers une vision exhaustive ou panoramique, Méaux focalise à raison son attention sur un corpus bien défini d’œuvres photographiques d’une quarantaine d’artistes tel·les que Mishka Henner, Richard Misrach, Mathieu Asselin, Julien Guinand, Petra Stavast, Bertrand Stofleth, Marina Caneve, Jean-Luc Mylayne et Ignacio Acosta.

Van Buren, Indiana, 2013, de la série
Monsanto® : une enquête photographique, 2017 (p. 61).
Photo : permission de l’artiste.

Old mining camp of Sewell, Sewell mining town, Andes Mountains, Chile, 2012, de la série
Copper Geographies, 2010-2016 (p. 51).
Photo : permission de l’artiste
Les œuvres, plus ou moins connues, ont été choisies pour leur valeur paradigmatique et critique. Pour des raisons de cohérence et peut-être de préférence, ne sont pas étudiées les œuvres dites expérimentales qui envisagent les éléments naturels comme un médium ou encore les travaux proches du Land Art ou de l’Arte Povera. Servi par une écriture fluide et élégante, le livre se structure autour de huit chapitres thématiques clairement présentés. Y sont exposées finement l’analyse théorique des enjeux liés à cette problématique et celle plus matérielle et sensible des œuvres, appréhendées dans toute leur complexité. Si l’on regrette parfois l’absence d’une mise en perspective historique de l’émergence de ces questionnements chez les photographes contemporain·es (Méaux choisit en effet de ne pas adopter une approche généalogique), cette structuration thématique de l’ouvrage offre la possibilité d’une mise en dialogue originale et parfois inattendue entre certaines œuvres du corpus. Les analyses détaillées et argumentées prennent également en compte les conditions de production et de diffusion des images dans l’édition du livre et du site web ou encore dans l’espace d’exposition. Elles permettent de mieux comprendre la manière dont la photographie peut se faire « instance de pensée critique et d’acquisition de savoirs ». Liée aux sciences humaines et sociales sans pour autant s’y inféoder, celle-ci fournit ainsi une compréhension renouvelée du monde et de la société. Pour la qualité de ses analyses et la richesse des éclairages qu’il apporte sur une question d’actualité essentielle, nous ne pouvons que recommander la lecture de cet essai à quiconque s’intéresse à la photographie contemporaine et à l’écologie politique.

Ouvrage sabō à Nosegawa ; préfecture de Nara, péninsule de Kii, 2017, de la série Two Mountains, 2015-2018 (p. 191).
Photo : permission de l’artiste.