
Photo : permission de Icarus Films
Après la cartographie cognitive
— Fredric Jameson,
Le postmodernisme ou La logique culturelle du capitalisme tardif
La géopolitique et le capitalisme mondial possèdent une caractéristique commune : on ne peut les appréhender dans leur totalité. Fredric Jameson, pilier de la critique politique et culturelle d’ascendance marxiste, a cerné cette problématique du capitalisme tardif (son terme de prédilection parmi ceux utilisés pour qualifier cette période) à un moment charnière qui marque, rétrospectivement, l’essor du néolibéralisme et de la mondialisation. Écrit en 1984, époque où le postmodernisme suscitait des débats passionnés, son influent essai « Postmodernism, or, The Cultural Logic of Late Capitalism » souligne le parallèle fondamental entre fragmentation économique et fragmentation culturelle : le postmodernisme en tant que modèle culturel dominant fait écho au modèle dominant de production économique1 1 - Fredric Jameson, « Postmodernism, or, The Cultural Logic of Late Capitalism », New Left Review, n° 146 (juillet–août 1984), p. 53–92.. Entre l’expansion vertigineuse des horizons de la lutte politique à l’échelle planétaire, et ce que beaucoup percevaient comme un rétrécissement du champ d’action politique, Jameson propose une « cartographie cognitive » en antidote à l’esthétique postmoderne2 2 - La cartographie évoquée par Jameson tendait vers la globalité, mais le terme de totalité n’était visiblement pas adopté par tous à l’époque, ainsi qu’en témoignent ses détours par divers thèmes comme les zones temporairement autonomes, les hétérotopies, la micro-politique, ou la fin des méta-narrations..