Céline Huyghebaertde tous nos corps

Réalisé en collaboration avec le centre Turbine, la Fondation Virage et le Centre hospitalier de l’Université de Montréal, de tous nos corps de Céline Huyghebaert parachève le projet Effets secondaires, dans lequel l’artiste a donné des ateliers d’écriture à des personnes ayant reçu un diagnostic de cancer. Dans le cadre de cette résidence, les participant·e·s ont été invité·e·s à nommer leur expérience de la maladie à partir de ce qu’elle a d’invisible. Ainsi, des carnets remplis collectivement, des photographies prises par les membres du groupe et des entrevues réalisées entre eux et elles agissent comme des fragments de voix et constituent les matériaux à partir desquels l’&oelig;uvre est construite. L’ouvrage prend la forme d’une plaquette dont la couverture cartonnée bleue se referme à l’aide d’un rabat, comme un portefeuille. La quatrième de couverture est conçue tel le dos d’une carte postale à remplir. À la manière d’un abécédaire, textes, images et mots imprimés en bleu sont regroupés au fil des pages selon ce qu’évoque une lettre de l’alphabet : arrêt, bosse, diagnostic, invisible, maison, silence, soin et voyage sont autant de vocables pour dire l’invisible et l’indicible. Chaque illustration schématique représente des corps, des membres ou des formes. Des cercles pleins, qu’on imagine comme des tumeurs, voire le cancer lui-même, sont répartis partout dans les images. Ici, deux corps morcelés, dont un affiche cette boule bleue en guise de tête, marchent côte à côte ; là, une femme combat une ombre. Alors que les traces de la machine hospitalière sont visibles dans la représentation réaliste de dossiers médicaux tout au long de l’ouvrage, la présence du crabe est, quant à elle, esquissée, non pas pour être camouflée, mais plutôt pour être dévoilée, peut-être apprivoisée. Les mots prennent alors le relai dans cette quête de compréhension de la maladie. Par conséquent, texte et image se complètent dans une tentative de cerner l’idée même de cancer et tout ce qu’elle implique physiquement et émotivement. Céline Huyghebaertde tous nos corps, pages intérieures, 2022.Photos : Céline Huyghebaert À propos de la publication, Huyghebaert mentionne qu’« elle se passe facilement de main en main ou s’envoie comme une lettre. Les paroles qu’elle enveloppe brisent des silences et des récits existants sur le cancer, qu’ils soient médicaux, journalistiques, qu’ils viennent de nous ou des autres ». Réalisée en risographie et tirée à 500 exemplaires sur papier blanc, gris et bleu, elle a été distribuée gratuitement lors du lancement en juin 2022. « Elle est bleue comme le bleu du papier carbone avec lequel j’ai dessiné ; bleue comme les blueprints, bleue comme l’hôpital, bleue comme le ciel et la mer », mentionne l’artiste sur son site web. Objet émouvant, l’&oelig;uvre se termine sur une citation de la poétesse Maggie Nelson : « Si une couleur ne peut pas nous guérir, peut-elle au moins donner de l’espoir ? » À défaut de procurer un véritable espoir (de guérison), de tous nos corps donne une voix aux personnes qui ont reçu le diagnostic de ce mal dont il faut taire le nom. Envelopper le cancer de mots et d’images pour le dévoiler, le dire et le raconter constitue une étape cruciale dans l’échafaudage d’un certain réconfort, ce que fait à merveille cet ouvrage collectif. Céline Huyghebaertde tous nos corps, page intérieure, 2022.Photo : Céline Huyghebaert Céline Huyghebaert, Sophie Drouin

Céline Huyghebaert
de tous nos corps

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