Leisure Airing (Dirty Laundry), 2019.
Photo : permission des artistes

Un exercice à plusieurs mains

Andrea Williamson
Conflit, interruption, choses qui se mettent en travers de notre chemin : autant d’exemples quotidiens de rencontres avec des objets, des matériaux ou des matières que nous éprouvons consciemment comme des entités agentielles – des choses douées d’une volonté propre. Pendant que j’écris ces lignes, de l’autre côté de ma fenêtre, sur la colline, un feu de forêt fait rage et subit l’attaque de pompiers aériens. Est-ce que j’aurais pensé au feu, aux pins, aux animaux de la forêt et autres choses à ce moment précis, si le feu ne s’était pas affirmé comme un danger potentiel pour moi ? Selon les réalistes spéculatifs, tel Levi Bryant, pour que les objets jouissent d’une souveraineté propre à titre d’actants démocratiques de notre monde, nous devons considérer qu’ils existent pour eux-mêmes, en retrait de toute relation avec nous ou n’importe quoi d’autre. Bryant déplore que les objets soient dissouts dans un bain acide de significations, ou d’interprétation humaine, et qu’on leur refuse une ontologie au-delà de notre connaissance. La compréhension biosémiotique, en revanche, admet que la nature entière (autant les objets non vivants que les objets vivants) communique, employant des signes, l’interprétation créative et le jeu.

C’est dans cet esprit que Leisure, fruit d’une collaboration entre les artistes Meredith Carruthers et Susannah Wesley, cherche à faire advenir une démocratie participative des objets et autres. La « cosmopolitique » de ce duo d’artistes – le terme, forgé par Isabelle Stengers, désigne le monde comme création collective d’actants humains et non humains – émerge de sa réactivité et d’une responsabilité (« réponse- habileté », pour ainsi dire) envers les milieux et les histoires qui les racontent. J’interprète ici les œuvres et la pratique de Leisure à travers une lentille biosémiotique, afin d’étudier l’exemple que le duo propose pour réagir aux choses – pas seulement celles qui se mettent en travers du chemin, mais aussi celles qui prouvent leur présence quand nous les cherchons activement et nous ouvrons à elles.

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Cet article parait également dans le numéro 101 - Nouveaux Matérialismes
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