1- Je suis une artiste interdisciplinaire. Dans ma pratique, je commence souvent par une performance qui est ensuite transformée en œuvre sonore, en vidéo ou en installation.

2- La performance est née en réaction au détournement (commercial et utilitaire) de l’objet d’art et à l’institutionnalisation de l’histoire de l’art. Ironiquement, la performance est maintenant un genre établi, enseigné dans les institutions et reconnu dans l’histoire de l’art. La performance actuelle défie encore la réification de l’art, mais ne maintient que difficilement sa position d’avant-garde et son statut d’antigenre.

Selon moi, la performance est un tremplin à l’exploration et à la recherche. C’est une façon de comprendre la signification du corps aujourd’hui, d’affirmer sa présence, et de voir comment il est remis en question dans son rapport avec les médias et la technologie.

3- Je fais de la performance depuis huit ans. J’en ai fait au collège dans le cadre de mon diplôme en arts (terminé en 1997), et j’ai continué depuis.

En tant que jeune femme commençant une formation en art, une façon pour moi de réagir au sexisme qui a marqué depuis toujours l’histoire de l’art a été d’abandonner le travail en atelier. Je souhaitais trouver un langage qui exprimait mes expériences, ma manière de comprendre et ma voix, qui dise ma présence au monde. En tant qu’artiste, je ne voulais pas être confinée à une quelconque notion prédéterminée de ce que devrait être l’art, et je ne voulais pas jouer le jeu du marché de l’art.

Convaincue que « l’art, c’est la vie », j’ai toujours reconnu l’efficacité de la performance – autant pour les féministes, les activistes homosexuels, que les artistes traitant du phénomène du SIDA, par exemple – pour explorer le rapport entre le privé et le politique. Ainsi, je continue d’intégrer la performance à ma pratique artistique parce qu’elle me permet de créer un espace où j’agis et explore la vie pour en arriver à ma propre définition de l’art.

5- La performance, par son côté « spectaculaire », par exemple, emprunte au théâtre. Cependant, c’est dans les arts visuels et non dans la tradition théâtrale qu’on en trouve la source. Cette pratique, je l’ai déjà mentionné, est plutôt un anti-genre qui défie les formes traditionnelles tout en s’en inspirant, créant, paradoxalement, sa propre forme; un anti-genre dont la matière est le présent, efficace avec ou sans public.

4- Aujourd’hui, je perçois un retour à la performance, peut-être en réaction aux fréquentes mutations sociopolitiques que nous subissons, issues de phénomènes tels que la technologie et la mondialisation. Notre compréhension du corps et de l’identité est, par conséquent, remise en question. Or, la performance, selon moi, permet d’aborder ces sujets d’une manière directe et unique et de rassembler l’artiste et son publie dans un moment partagé.

Tagny Duff, Tagny Duff
Cet article parait également dans le numéro 40 - Performance
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