Maude Bernier Chabot

Fondamentalement, la sculpture pourrait être décrite comme la relation entre ce qui est et ce qui n’est pas ; celle d’une chose à l’espace, de la présence à l’absence. Dans la fine marge entre l’être et le non-être existe une frontière : une surface, une peau. Si, dans une vision autochtone du monde, l’Amérique du Nord se trouve sur le dos d’une grande tortue, qu’y a-t-il en dessous ? « Eh bien, une autre tortue, pour répondre à la manière de l’écrivain Thomas King. Des tortues jusqu’en bas. » Dans le travail de Maude Bernier Chabot, sous la surface s’en trouve une autre, contradictoire. Impossible d’en indiquer le contenu, tout n’est que surface. Nous pensons souvent que les objets statiques sont stables et éternels, mais c’est exactement cette logique que l’artiste refuse dans son travail. Elle évite plutôt les fausses promesses du cube blanc moderniste pour embrasser un désordre précisément contrôlé, dessiner un cadre net autour du laisser-aller de la vie : fourrure brossée contre le grain, plâtre absorbant du colorant brillant par capillarité, ouroboros de poils humains, formes géométriques tachetées de bulles et de cavités, pelures de silicone texturées comme la cellulite, paillettes rouges posées dans les fissures d’un champ enneigé. Une peau de serpent pastel voyage le long de vecteurs perpendiculaires avant de retomber au sol en serpentins intestinaux ; une peau humaine d’une perfection impossible est posée sur un sarcophage transparent, comme si une représentation féminine de saint Barthélemy avait soigneusement plié et laissé son être écorché sur le comptoir d’un grand magasin, n’en ayant plus besoin dans l’avenir qui l’attendait. Bien que la mue implique un renouveau, c’est plutôt comme si, dans ce monde, tout naissait telle une ruine déjà magnifique. Même les matériaux artificiels se décomposent, et cette décomposition chante les louanges de la croissance, et vice versa. Dans l’&oelig;uvre ostensiblement non naturelle de Bernier Chabot, tout comme dans l’ordre naturel, chacun se replie vers l’autre. Le synthétique, la production de masse, l’industriel – les choses que nous créons qui nous préservent et nous empoisonnent – sont assemblés dans leur propre règne autonome, leur cycle de vie mis en exposition. Traduit de l'anglais pas Catherine Barnabé Maude Bernier ChabotVestibule, 2012Photo : Adrien Baudet, permission de l’artiste Maude Bernier ChabotCimetière marin, détail de l’installation, The Fourth Kingdom, Circa art actuel, Montréal, 2016.Photo : Adrien Baudet, permission de l’artiste Maude Bernier ChabotLe fantasme de Chewbacca, vue d’exposition, Plaza, Struts Gallery, Nouveau-Brunswick, 2018.Photo : Paul Litherland, permission de l’artiste Emily Jan, Maude Bernier Chabot

Maude Bernier Chabot

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