KaderAttia_Demoncracy
Kader Attia Demo(n)cracy, 2009.
Photo : permission de l'artiste & Galerie Krinzinger, Vienne

L’artiste franco-algérien Kader Attia travaille dans le sillage de ce qu’il considère comme l’héritage de la décolonisation. Par le biais d’interventions spatiales, il engage la conversation autour d’enjeux coloniaux tels que la suppression et la privation. Avec sa pièce Demo(n)cracy (2009), Attia condamne la démocratie en tant que véhicule hégémonique de la pensée occidentale. Bien qu’elles confrontent moins explicitement ce système idéologique, ses œuvres ultérieures le remettent néanmoins constamment en question à travers la conception d’espaces de contestation où un décalage des dynamiques de pouvoir s’opère. Ce décalage permet de réévaluer les structures colonialistes auxquelles nous participons et l’effacement culturel et identitaire qu’elles entrainent. Les espaces conceptuels et matériels d’Attia misent sur la réflexion collective pour élaborer de nouvelles possibilités qui offriraient davantage d’agentivité. Le public participant se voit ainsi détenteur du pouvoir de construire de nouvelles formes qui échappent au projet colonialiste. L’artiste ouvre d’ailleurs en 2016, à Paris, La Colonie, lieu de rencontres pour tous, où la réflexion est décloisonnée et hétérogène et où le débat s’enrichit de la diversité. Avec Noise, Silence (2017), Attia présente un intérieur jouant sur l’inconfort du visiteur. Les tiges de métal qui jaillissent avec violence du revêtement matelassé suscitent des sensations contradictoires. L’œuvre réfère à la peur de « l’autre », effet persistant de la colonisation. Au fil d’une déambulation dans cet intérieur s’amorce un acte réflexif sur les élans xénophobes et racistes contemporains. L’artiste met ainsi à profit les perceptions en tant qu’agents de changement.

Le travail d’Attia offre des outils pour réintégrer ce qui a été supprimé et résister à de futures suppressions. Il met en place des dispositifs décolonisés qui s’incarnent dans une multitude de situations spatiales, sonores ou visuelles dont la visée s’organise autour du concept de réparation. Ses œuvres agissent comme lieux de débat qui rassemblent, autant les publics que les fragments d’un passé éclaté, afin de guérir les blessures sociales. S’il répare, Attia conserve cependant les cicatrices culturelles et identitaires bien visibles – ces interstices davantage liés au processus, au même titre que les espaces réflexifs qu’il conçoit.

KaderAttia_ArabSpring
Kader Attia
Arab Spring, vue d’installation, Beginning of the World, Galleria Continua, Le Moulin, 2014.
Photo : Oak Taylor-Smith, permission de l’artiste & Galleria Continua, Le Moulin
KaderAttia_NoiseSilence
Kader Attia
Noise, Silence, vue d’installation,
Reflecting Memory, Galleria Continua, San Gimignano, 2017.
Photo : Ela Bialkowska, permission de l’artiste & Galleria Continua, San Gimignano
Kader Attia, Maude Johnson
Kader Attia, Maude Johnson
Kader Attia, Maude Johnson
Cet article parait également dans le numéro 92 - Démocratie
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