Mona-Caron-Weeds-Eutrochium
Mona CaronShauquethqueat’s Eutrochium, de la série Weeds, 2021.
Photo : permission de l’artiste

Les mauvaises herbes dans l’art, ou comment cultiver l’espoir à l’ombre du pouvoir

Giovanni Aloi
Si vous regardez vers l’ouest depuis un étage assez élevé du One World Trade Center, à New York, vous remarquerez peut-être, s’élevant face aux gratte-ciels de Manhattan, une gigantesque murale. Ce graffiti signé Mona Caron, impérieusement dressé sur un arrière-plan tout noir – de 23 étages ! – et peint dans le style des ouvrages de botanique du 18e siècle, représente une mauvaise herbe, Eutrochium purpureum. Caron peint des plantes indésirables dans les lieux publics depuis 2006. Au départ, c’était pour un projet d’animation en volume, mais elle a vite réalisé l’énorme potentiel politique de son sujet et décidé de voir grand.

C’est ainsi qu’elle a produit un macroherbier urbain qui se déploie de par le monde. On peut en voir des exemples à New York et à San Francisco, aux États-Unis ; à Porto Alegre, au Brésil ; à Quito, en Équateur ; à Vigo, en Espagne ; et à Mumbai, en Inde. Pour elle, peindre ces plantes indésirables est une forme de résistance. Ses « phytograffitis », comme elle les appelle, sont les marqueurs limpides d’une résilience sociale et écologique. Eutrochium purpureum, ou eupatoire pourpre, s’appelle communément « herbe à Joe-Pye », en hommage à un guérisseur mohican qui lui accordait une grande place dans sa phytothérapie d’inspiration autochtone. Les racines de la murale peinte par Caron, qui porte le titre de Shauquethqueat’s Eutrochium (« Eupatoire de Shauquethqueat », du nom véritable de ce guérisseur ; 2021) s’enfoncent profondément dans l’histoire complexe d’assujettissement culturel et d’éradication forcée sur laquelle sont fondés les États-Unis. Droite et fière, la murale s’élève comme une prière pour la guérison culturelle : son audacieuse visibilité est un rappel très vif de l’effacement qu’ont subi les cultures autochtones, en même temps qu’un hommage à leur relation intime au monde végétal.

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108-Esse-Resilience
Cet article parait également dans le numéro 108 - Résilience
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