d'bi-young-anitafrika

Le soin des devenirs : Sisters in Motion feat. d’bi.young anitafrika

Mirna Abiad-Boyadjian
Des silences éclatent tandis que d’autres s’étendent. Silence-abime, silence-impuissance, silence-survie, silence-douleur… Un silence n’est jamais neutre ; il porte une expérience singulière qu’on ne pourrait réduire à une simple absence de parole, de langage ou de son. Il est des silences qui s’imposent, d’autres qui sont imposés. Que faire de celui qui nous retient à nous-même et aux autres, du nœud qui se noue dans la gorge au cœur qui bat la chamade de ne pouvoir dire ? Que faire de cette paralysie d’agir qui épuise le corps de ses élans vitaux, qui le dépossède de sa capacité à se déployer dans son devenir ?

Lors d’une conférence prononcée le 28 décembre 1977 à Chicago, la poète Audre Lorde a raconté qu’après l’annonce d’une tumeur potentiellement maligne deux mois auparavant, elle avait été forcée de regarder sa vie à la lumière implacable de l’urgence. « Ce que j’ai le plus regretté ce sont mes silences, confie-t-elle alors. De quoi avais-je donc eu si peur ? Dans mon esprit, poser des questions ou parler signifiait souffrance ou mort1 1 - Audre Lorde, « La transformation du silence en paroles et en actes », Sister Outsider : Essais et propos d’Audre Lorde sur la poésie, l’érotisme, le racisme, le sexisme…, traduit de l’anglais par Magali C. Calise, Paris, Mamamélis, 2018.. » Bien qu’elles soient innombrables, les raisons du silence des femmes, longtemps muselées et vouées à l’invisibilité sociale, s’enracinent, selon Lorde, dans une peur de la visibilité, visibilité pourtant indispensable pour vivre pleinement. Ce jour-là, elle en a appelé à une transformation du silence en paroles et en actes par toutes les femmes – non sans souligner l’extrême vulnérabilité des femmes noires, qui doivent aussi se battre pour la visibilité de leur négritude au sein même du mouvement féministe.

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Cet article parait également dans le numéro 106 - Douleur
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