Zanjas y Camellones collective
Zanjas y Camellones collectiveZanjas y Camellones, Bosque las Mercedes, réserve naturelle Thomas van der Hammen, Bogotá, 2022.
Photo : Sergio Durán, permission des artistes

Le faire incommun de l’agriculture

Gwynne Fulton
Par un frais matin gris de janvier dernier, nous grimpons tant bien que mal à bord d’un VUS noir. Après quelques détours involontaires sur les autoroutes tortueuses qui relient la cité tentaculaire à sa périphérie (population : huit millions), nous arrivons à la réserve naturelle Thomas van der Hammen, à Suba, sur la frange nord-ouest de Bogotá. Une courte promenade à travers les prairies ondulantes nous permet de rejoindre le site de Zanjas y Camellones (en cours depuis 2022), projet d’agroécologie collectif mis sur pied par María Buenaventura (artiste), Diego Bermúdez (architecte paysager), Liliana Novoa (éducatrice), Sabina Rodríguez (avocate), Lorena Rodríguez Gallo (archéologue) et Juliana Steiner (commissaire), en consultation avec hycha caca (ou abuela, l’ainée) Blanca Nieves Ospina Mususú. Ce projet multidisciplinaire consiste à recréer un fragment d’un ancien système agricole sur les terres du peuple muisca, qui, contrairement à la version officielle de l’histoire, a survécu à la colonisation espagnole et connait actuellement une résurgence.

Le système de culture des Muiscas avait presque sombré dans l’oubli, en ville, quand, en 1968, l’anthropologue étatsunienne Sylvia M. Broadbent a mis au jour les signes d’une culture végétale formant un motif en damier ; de courtes lignes parallèles qui s’étirent, au fond de la vallée, entre le lit d’anciens ruisseaux et les canaux marécageux de la savane, de Suba jusqu’à la rivière Bogotá1 1 - Sylvia M. Broadbent, « A Prehistoric Field System in Chibcha Territory, Colombia », Ñawpa Pacha: Journal of Andean Archaeology, no6 (1968), p. 135-147.. Ses photographies aériennes témoignent d’un réseau étendu de zanjas, fossés dans lesquels les sociétés agraires élevaient des crabes et des poissons, et de camellones, champs surélevés qui étaient consacrés à diverses cultures vivrières essentielles : haricot, quinoa, pomme de terre, manioc, tabac, patate douce et maïs (aba, en muysccubun, la langue muisca). Les canaux, en régulant l’écoulement de l’eau à travers la savane, transformaient ces prairies marécageuses en système agricole complexe.

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Cet article parait également dans le numéro 110 - Agriculture
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