
L’art critique, le sens critique et la responsabilité
De prime abord, le départage est un acte classificatoire comme tant d’autres. Il s’inscrit dans un usage normal du langage qui s’appuie sur des classifications pour rendre compte du monde aussi bien que pour organiser la pensée. Une classification, ou une catégorie, comme celle de l’art critique, n’est autre chose que le résultat d’une délimitation qui se consolide dans l’espace commun du langage. En fait, tous les actes psychiques qui prennent forme dans la pensée avec suffisamment de précision pour être saisis en tant qu’entités sont tributaires de découpages conditionnés par le langage, lui-même déterminé socialement. Difficile, alors, d’établir, parmi les contours qu’on donne aux choses, lesquels sont le résultat d’expériences et de réflexions intimes et lesquels sont plutôt issus d’un apprentissage social normé, tant ce qui se rapporte à nos vies intérieures est modelé par des conditionnements extérieurs. Tout aussi problématique est notre capacité de vérifier la validité des notions qui résultent de tous ces découpages entremêlés, dont celles qui semblent avoir été acquises de manière passive, mais qui n’en sont pas moins valables. Le sens critique, dans son acception la plus générale, est une attitude qui permet d’affronter cette difficulté en prenant du recul par rapport à toute certitude pour en réévaluer non seulement l’origine, mais également l’incidence sur soi-même comme sur les autres.