
Intemporalités autochtones et futurités performatives
C’est un nœud que se sont employés à défaire les tenants du courant afrofuturiste, mouvement multidisciplinaire qui se cristallise au tournant des années 1990 en réaction à cette atonie théorique, politique et, ultimement, esthétique. Objet hybride articulé autour des notions d’africanité, de droits civiques, de science-fiction et de futurité, l’afrofuturisme se veut une philosophie de l’émancipation et du libre arbitre, usant au passage d’une panoplie de pratiques et de savoirs écartés par la pensée moderne occidentale. Si le terme connait une fortune critique grâce à la publication en 1993 de l’article « Black to the Future », de l’auteur Mark Dery, en réaction aux productions artistiques de ses étudiant.e.s mêlant postcolonialisme, nouvelles technologies et sciences, ce type de création métisse émerge bien avant la déferlante postcoloniale. Reynaldo Anderson, théoricien et cofondateur du Black Speculative Arts Movement, fait ainsi remonter l’essor de la « pensée spéculative noire1 1 - « Black speculative thought » [trad. libre]. Anderson privilégie ce terme-parapluie à celui d’« afrofuturisme ». Reynaldo Anderson et Charles E. Jones (dir.), Afrofuturism 2.0: The Rise of Astro-Blackness, Minneapolis, Lexington Books, 2015. » au tournant du 19e siècle et à l’influence de littéraires afro-américain.e.s comme la romancière Pauline Hopkins et l’écrivain W. E. B. Du Bois. Dans leurs écrits point ce qui s’apparente à une analyse sociale et politique antiraciste qui, avec des motifs comme l’étranger, la machine, l’espace ou un futur utopique, permet de poser un regard à la fois critique et constructif sur les notions de différence, de progrès, de territoire et d’agentivité. À leur suite, l’afrofuturisme permet d’envisager des avenues décoloniales libératrices à un futur que l’on ne peut plus considérer comme une simple conséquence inévitable du passé.
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