Joshua-Schwebel
Joshua SchwebelShift — Une rétrospective critique de Joshua Schwebel, vue d’exposition, Galerie UQO, Gatineau, 2022.
Photo : Rémi Thériault/House of Common Studio, permission de Galerie UQO, Gatineau

Shift, une rétrospective critique

Ariane De Blois
Ne rien produire – sinon le trouble. Ne rien exposer. Voilà ce sur quoi s’échine l’artiste conceptuel Joshua Schwebel depuis plus d’une dizaine d’années. Sa démarche contextuelle, qui s’inscrit dans le sillage de la critique institutionnelle, met en lumière les modes opératoires du milieu artistique, dont les cadres et les critères de performance sont largement inféodés à la logique néolibérale. Hiérarchisation du travail, exploitation des travailleurs et travailleuses culturel·les, sous-financement, recherche perpétuelle de fonds, fétichisation de l’objet d’art et quête de visibilité et de notoriété sont autant de thèmes que de « matériaux » autour desquels Schwebel fonde sa pratique. Plus spécifiquement, c’est la nature performative des institutions artistiques et de ses acteurs et actrices qui intéresse Schwebel, et ses investigations artistiques, motivées par son intention de rendre visibles les processus de légitimation de l’art, ne se déploient généralement pas sans générer grands malaises et frictions.

Proposant un survol de huit projets réalisés par Schwebel entre 2008 et 2021, la rétrospective Shift, commissariée par Dominique Sirois-Rouleau et présentée à la Galerie UQO à l’été 2022, offrait une rare occasion d’entrer dans l’univers de la pratique non productiviste de Schwebel et d’en saisir autant l’audace et la cohérence que le caractère acharné. Étant donné la nature intangible de la démarche processuelle et parasitaire de Schwebel, dont l’existence repose sur celle des institutions et leur fonctionnement, monter une rétrospective impliquait forcément de s’éloigner de la formule classique pour jouer avec le genre et proposer des ouvertures. L’exposition étant dénuée d’œuvres et d’archives matérielles propices à la fétichisation, c’est par l’intermédiaire d’un appareillage énonciatif finement élaboré que le public pouvait « rencontrer » le travail de l’artiste. Tout en participant à magnifier la pratique de Schwebel, Shift, par sa forme et son contenu, avait pour effet de brouiller les frontières entre les propositions artistiques et l’exposition, de rendre particulièrement visible le dispositif de monstration et son cadre et, de surcroit, d’exposer explicitement les postures discursives de l’artiste, de la commissaire et de l’institution hôte et souligner dans la même foulée leurs recoupements, échos et superpositions.

Cet article est réservé aux visiteur·euses avec un abonnement Numérique ou Premium valide.

Abonnez-vous ou connectez-vous à Esse pour lire la rubrique complète !

S’abonner
Se connecter
Cet article parait également dans le numéro 109 - Eau
Découvrir

Suggestions de lecture