sophie-jodoin_rooms-to-move-je-tu-elle
Sophie JodoinRoom(s) to move : je, tu, elle, vue d'installation, Expression, Saint-Hyacinthe, 2017.
Photo : Éliane Excoffier, permission de l'artiste

Je est une autre
Room(s) to move : je, tu, elle de Sophie Jodoin

Anne-Marie Dubois
Trilogie monumentale attestant du talent d’une artiste au sommet de son art, l’exposition en trois volets Room(s) to move : je, tu, elle de Sophie Jodoin1 1 - Exposition présentée par Expression (du 26 aout au 29 octobre 2017), le MacLaren Art Centre (du 29 mars au 17 juin 2018) et le Musée d’art contemporain des Laurentides (du 5 juin au 29 juillet 2018). force l’admiration. Lauréate en 2017 des prix Louis-Comtois et Giverny Capital, qui récompensent l’excellence artistique, Jodoin est sans contredit l’une des figures incontournables de l’art actuel au Québec. Ce projet bicéphale, réfléchi en collaboration avec la commissaire Anne-Marie St-Jean Aubre, est l’occasion d’une synthèse ouverte sur l’artiste et sa pratique. Puisés dans un imposant corpus d’œuvres créées au cours des sept dernières années et fruit d’un long travail d’archivage, plus de 150 dessins, collages, sculptures et autres artéfacts issus de l’atelier de l’artiste nous sont donnés à voir pour la toute première fois. Jodoin fait le tour d’horizon d’une anthropologie de la femme et de ses possibles déclinaisons, mettant en exergue le caractère multiple et performatif de l’identité à travers une dialectique architecturale et discursive conjuguée au féminin.

Comme son titre l’annonce, Room(s) to move : je, tu, elle propose en parallèle trois espaces-temps où se déploie l’identité fragmentée d’une femme. L’exposition est constituée d’innombrables combinaisons où chaque œuvre participe à la redéfinition de cette identité, identité qui se voit édifiée sous le poids des structures normatives et invariablement déterminée à partir de sa position d’altérité. Car je est une autre. D’abord sujet, je prend la parole à partir d’un corps situé qui s’affirme à la première personne, énonciation hautement politique d’un devenir-femme accordé au présent. Puis vient l’impératif. Tu, cette identité simultanément autre et familière qui est sans cesse rappelée à l’ordre, sommée de se conformer. Et enfin elle, objet désincarné du discours. L’éternelle absente qui jamais ne l’emporte sur le masculin, grand détenteur de l’objectivité et de l’universel. Je est donc une autre, et c’est à l’intérieur de ce mouvement, de cette oscillation syntaxique constante, que se révèle la femme, déployée à travers cette exposition-bilan.

Cet article est réservé aux visiteur·euses avec un abonnement Numérique ou Premium valide.

Abonnez-vous ou connectez-vous à Esse pour lire la rubrique complète !

S’abonner
Se connecter
Cet article parait également dans le numéro 94 - Travail
Découvrir

Suggestions de lecture